Le constructeur automobile américain Ford creuse l'écart avec General Motors et Chrysler et s'est engagé dans une dynamique de reconquête de ses parts de marché qui contraste avec les difficultés de ses rivaux, embourbés dans leurs problèmes financiers.

Le numéro deux américain, qui convie jeudi ses actionnaires en assemblée annuelle, a accumulé ces dernières semaines les bonnes nouvelles, alors que Chrysler a dû déposer son bilan et que GM semble menacé d'un sort identique. Entre Ford d'un côté, GM et Chrysler de l'autre, «il y a un décalage en terme financier et en termes de produits», résume Terrence Guay, professeur d'économie des affaires à l'Université de Pennsylvanie.

Ford n'a pas réclamé d'aide au gouvernement fédéral et compte sur ses propres forces pour sortir de ses difficultés. Les gains en terme d'image pourraient à terme se traduire par une amélioration de ses ventes.

«En évitant de recevoir de l'argent du gouvernement, Ford devrait continuer de bénéficier d'un flux d'informations positives, face à un GM et un Chrysler qui se débattent», soulignent les analystes de Barclays.

Au premier trimestre, Ford a fait état d'une perte nette bien moins lourde qu'attendu, de 1,4 milliard de dollars, contre 6 milliards pour GM. Surtout, le premier a fortement réduit sa consommation de trésorerie, alors que le numéro un américain continue à dépenser à vitesse accélérée.

Ford a pu ainsi confirmer son objectif d'un retour aux bénéfices à l'horizon 2011, là où GM et Chrysler luttent pour leur survie pure et simple.

Le constructeur a réglé le volet social de sa restructuration et semble plus avancé que ses concurrents dans la production de modèles plus économes en carburant. Il a aussi réduit sa dette de 10 milliards pour la ramener à 15,9 milliards de dollars. Un dossier crucial qui a causé le dépôt de bilan de Chrysler et que GM doit boucler d'ici le 1er juin s'il veut échapper à ce sort.

A la surprise du marché, Ford a annoncé mardi que son augmentation de capital, annoncée la veillée, lui rapporterait 1,4 milliard de dollars. L'opération a le mérite de montrer que Ford peut encore être considéré comme un bon investissement, alors que les actionnaires de GM risquent de perdre l'intégralité de leur mise.

Selon Barclays, le constructeur de Dearborn pourrait disposer à fin 2009 de 16,3 milliards en liquidités, augmentation de capital incluse, «soit bien plus que le minimum de 8-10 milliards» indispensables à son fonctionnement.

Côté ventes, «alors que le marché automobile est déprimé et va l'être encore pour plusieurs mois, Ford regagne des parts de marché et se détache de GM et Chrysler dans l'esprit des consommateurs et des investisseurs», relève Peter Morici, professeur d'économie à l'université du Maryland.

Au mois d'avril, Ford a vu ses ventes chuter de 31%, mais ce recul était moindre que celui du marché (-34%) et celui du japonais Toyota (-42%). Au cours des sept derniers mois, sa part de marché a augmenté six fois.

Si les analystes s'accordent à dire que les efforts des constructeurs seront vains si le marché automobile reste déprimé -- moins de 10 millions de voitures pourraient être vendues aux Etats-Unis cette année, contre 16 à 17 millions par an avant la crise --, les efforts de Ford en rendent plusieurs optimistes.

Avec ses récents modèles, «Ford se détache du lot», note M. Morici. Dans plusieurs catégories, ses véhicules viennent à présent concurrencer Toyota et Honda». «Les produits de Ford sont généralement mieux perçus» que ceux de ses compatriotes, renchérit M. Guay. Et les Américains délaissant GM et Chrysler pourraient privilégier un achat patriotique.