La crise a eu raison de l'arrogance des milliardaires de la famille Porsche qui rêvait de s'emparer du constructeur allemand Volkswagen (VW) et a dû rabattre ses prétentions.

Cette semaine, ses membres les plus influents ont dû l'admettre au terme d'une réunion de crise dans la ville autrichienne de Salzbourg: Porsche ne va pas prendre le contrôle total de Volkswagen, les deux groupes vont fusionner.

Le calendrier était pourtant fixé depuis des mois. Porsche qui détient déjà 51% du premier constructeur européen, devait monter à 75% cette année et devenir le seul maître à bord.

Las, touché par la crise, Porsche est très endetté et il est désormais incapable de financer une telle acquisition évaluée à environ 13 milliards d'euros.

Jusque-là, pourtant, l'ascension de Porsche semblait irrésistible, mise en oeuvre en toute discrétion depuis l'automne 2005 quand le groupe de Stuttgart (sud-ouest), contrôlé entièrement par la famille éponyme, a pris une première participation dans Volkswagen.

Il se targuait alors de sauver un symbole de l'industrie allemande d'un potentiel rachat hostile, piloté par des capitaux étrangers. Mieux valait un industriel allemand qu'un fonds spéculatif chinois, russe ou venu des Emirats, selon Porsche.

Patiemment, le créateur de la 911 a alors déroulé une stratégie hors des sentiers battus, suscitant l'admiration des milieux financiers. Il s'est assuré le contrôle de sa proie, pourtant bien plus grosse que lui, via des options sur actions, un mécanisme complexe qui lui a permis de gagner des milliards d'euros grâce à la flambée du cours de l'action Volkswagen.

Ces derniers mois, Porsche gagnait plus d'argent en Bourse qu'en vendant ses voitures de luxe.

Au coeur du dispositif: le patron de Porsche, Wendelin Wiedeking, chouchou des investisseurs pour avoir fait du groupe le constructeur le plus rentable au monde.

Il manifeste une certaine arrogance, voire son mépris, pour le «mammouth» de Wolfsburg (nord) qui abrite le siège de Volkswagen. Aussitôt les plans de rachat dévoilés, il avait ainsi annoncé une révolution, déclarant la guerre aux «vaches sacrées» de VW. Dans sa ligne de mire: les syndicats qui jouent un rôle important dans la gestion même du constructeur.

Porsche ne s'était pas non plus privé de railler, puis de combattre, le droit de veto de l'actionnaire public --l'Etat de Basse-Saxe (nord)-- comme un archaïsme de l'histoire, là où le libre marché devait régner.

Mais l'opération Porsche/VW ne serait pas digne d'une saga télévisée si ne venaient pas s'y mêler des guerres intestines. Depuis des mois, au sein de la famille héritière de Ferdinand Porsche, créateur pour les nazis de la célèbre «coccinelle», deux clans se dessinent.

D'un côté, Wolfgang Porsche, proche de M. Wiedeking et discret personnage qui règne à Stuttgart. De l'autre, son cousin Ferdinand Piëch, héritier de la dynastie, qui a réussi un redressement spectaculaire de Volkswagen. Il en est toujours président du conseil de surveillance et est réputé avoir l'oreille des syndicats.

Difficile de prédire dès maintenant qui sortira vainqueur du bras de fer dans les mois qui viennent, et Porsche pourrait finir par s'imposer à la tête du futur groupe unifié.

Mais, en attendant, la famille devra faire profil bas, si elle ne veut pas devenir la cible des critiques comme une autre milliardaire, Maria-Elisabeth Schaeffler.

Elle aussi a hérité d'une fortune bâtie pendant et après le régime nazi et s'est récemment attaquée à un groupe beaucoup plus gros que sa propre entreprise, à savoir l'équipementier automobile Continental, grâce au même mécanisme financier. L'opération s'est finalement révélée un fiasco.