Le dépôt de bilan annoncé de Chrysler marque une nouvelle étape du long déclin de ce pionnier de l'automobile qui accumulé les erreurs industrielles et les revers financiers et se retrouve finalement dans la même situation difficile qu'il y a trente ans.

En 1979, Chrysler avait déjà été sauvé de l'effondrement par des garanties publiques sur sa dette, qui firent l'objet d'une loi votée par le Congrès.

Le soutien fédéral et le lancement de modèles innovants permirent alors le redressement de Chrysler, dont les grosses voitures avaient, déjà, été balayées par les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et la concurrence japonaise.

Dans les années 1980, le groupe engage une restructuration rigoureuse, menée par la poignée de fer de Lee Iacocca, un ancien de Ford. Les activités de défense sont cédées. Chrysler attaque le marché des plus petites voitures grâce à une alliance avec le japonais Mitsubishi.

Il est aussi à la pointe dans le monospace, un concept qu'il a inventé et qui est en pleine expansion aux États-Unis et en Europe. Il tente de revenir en Europe, où il avait un temps possédé la marque Simca, au début des années 1990, avec une usine autrichienne où il assemble le Voyager.

En 1987, il récupère la célèbre marque de tout-terrain Jeep, en rachetant à Renault le constructeur américain AMC, au bord de la faillite.

Des modèles audacieux, comme la sportive Dodge Viper, le coupé décapotable Plymouth Prowler, ou les berlines à roues avant motrices, enthousiasment alors des automobilistes américains de nouveau peu regardants sur la consommation.

En 1998, Chrysler se marie en grande pompe avec Daimler-Benz. La fusion est annoncée d'égal à égal, mais c'est le groupe allemand qui a apporté 36 milliards de dollars de dot et qui prend la direction des opérations, au grand dam des ouvriers et ingénieurs américains.

Plymouth, la marque d'entrée de gamme, est arrêté en 2001. Des projets de réduction des coûts, à travers des partages de technologies, sont lancés, comme en témoigne le coupé germano-américain Chrysler Crossfire.

Un mélange d'innovations comme la pédale de frein réglable, et de choix sûrs comme le retour à la propulsion arrière, assurent le succès de modèles comme la Chrysler 300.

Mais le groupe a beaucoup perdu de son dynamisme. Tout d'abord il doit rompre son alliance avec Mitsubishi, éclaboussé par un scandale de défauts mécaniques dissimulés. Ensuite, comme son concurrent General Motors, ses résultats sont peu à peu noyés sous les coûts sociaux (retraites et prestations sociales).

En 2005, l'initiateur de la fusion entre Daimler et Chrysler, Jürgen Schrempp, quitte prématurément la tête du groupe. Son successeur Dieter Zetsche se prononce publiquement en février 2007 pour un divorce, acquis trois mois plus tard: 80,1% de Chrysler sont cédés au fonds d'investissement Cerberus.

Le groupe, qui n'avait pas senti venir la flambée du pétrole de 2007-2008, entre dans la crise économique avec une gamme inadaptée, faite de 4X4 et de grosses berlines trop gourmands en carburant.

Il se tourne tardivement vers des modèles hybrides, prévus pour 2010. Mais dans ce domaine, ses concurrents japonais ont deux longueurs d'avance.

La part de marché de Chrysler aux États-Unis est laminée par la récession, avec des ventes tombées sous les 100.000 modèles par mois sur le marché national à partir de septembre 2008. Et le groupe n'a alors pas d'autre choix de réclamer des fonds publics.