L'entreprise offrira du mentorat à des PME des États-Unis et de Montréal grâce à un « accélérateur spécialisé en produits laitiers ».

Le grand patron d'Agropur affirme que l'époque « du cadenas sur la porte du centre de recherche » est révolue. Désormais, la coopérative s'inspire de Tesla en misant sur l'innovation ouverte. Ainsi, au cours des prochains moins, cinq jeunes PME - quatre américaines et une montréalaise - bénéficieront de son expertise du secteur laitier pour faire croître leurs ventes et améliorer leur produit.

Agropur annoncera aujourd'hui la création « du premier accélérateur nord-américain spécialisé en produits laitiers ». Son nom, Inno Accel, n'est pas encore connu. Mais sa première cohorte, composée de cinq entreprises en démarrage choisies pendant l'été, est déjà au travail depuis quelques semaines.

D'ici la fin de l'année, ces PME venues de Californie, du Colorado, de l'État de New York et de Montréal auront accès à des mentors (des vice-présidents d'Agropur et des personnes issues de milieux disparates) et à une vingtaine de coachs. L'apprentissage intensif se fait notamment dans l'usine pilote d'Agropur à Saint-Hubert. Les participants reçoivent une bourse pour couvrir leurs frais.

« Ça montre notre ambition de créer de nouvelles expériences pour le consommateur », lance le chef de la direction de la coopérative, Robert Coallier, au bout du fil. 

Et les « nouvelles expériences » sont essentielles, insiste-t-il, pour accroître les parts de marché des produits laitiers. 

« Il y a beaucoup de choix, alors il faut gagner de la pertinence avec l'innovation. » - Robert Coallier, chef de la direction d'Agropur

Cofondatrice de U Main, seule entreprise canadienne sélectionnée grâce à ses kits pour fabriquer du fromage à la maison, Pascale Richard s'est donné deux objectifs. « On veut améliorer notre produit et le partager à plus grande échelle au Canada. Ça nous donne accès à plein de ressources pour faire rayonner notre marque », dit-elle, ravie jusqu'ici de son expérience.

Il peut paraître étonnant à première vue qu'Agropur prenne sous son aile des PME américaines qui pourraient importer leurs produits au Canada et lui faire concurrence. Mais Robert Coallier ne voit pas les choses de cet oeil. À son avis, la coopérative aux 3290 membres va assurément profiter d'Inno Accel, qui est ouvert aux entreprises de partout dans le monde.

« LA PROVENANCE N'A PAS D'IMPORTANCE »

« On se demande comment faire progresser le secteur laitier. La provenance n'a pas d'importance. Les retombées vont se faire chez nous. L'objectif est de faire grandir l'industrie dans son ensemble, de trouver de quelle façon, par exemple, SaltiSweet Ice Cream peut travailler avec Agropur. »

À cet égard, toutes les portes sont ouvertes, assure M. Coallier. Il pourrait s'agir d'une prise de participation ou de l'utilisation d'une licence. Et rien n'empêche que la PME décide un jour d'ouvrir une usine au Canada. « On veut établir le potentiel de développement. Notre intérêt est bien sûr le marché canadien. [...] Peut-être qu'on ne travaillera pas ensemble, mais il n'y a rien de mal à ça ; on va travailler à la pertinence du secteur laitier. »

Agropur ne cache pas qu'il compte sur son nouvel accélérateur pour faire face aux « turbulences économiques » provoquées par l'Accord États-Unis-Mexique-Canada.

Il n'a pas été possible de connaître le budget alloué à Inno Accel. La somme provient des 15 millions investis annuellement en recherche et développement par la coopérative dont les revenus ont atteint 6,4 milliards l'an dernier.

INNO CHALLEGE, INNO CAPITAL, INNO FABRIK

Robert Coallier explique que le nouvel accélérateur s'ajoute à d'autres initiatives favorisant l'innovation dans le secteur des produits laitiers, dont l'Inno Challenge (concours international), Inno Capital (« plateforme » d'innovation de 40 millions de dollars créée en partenariat avec la Caisse de dépôt et placement) et l'Inno Fabrik (« processus interne de génération d'idées »).

« Le concept de travailler en cachette, de faire des choses à l'interne seulement, [c'est fini]. Pour nous, c'est un changement assez important ! » - Robert Coallier, chef de la direction d'Agropur

Créé il y a 2 ans, l'Inno Challenge n'a pas encore mené à la mise en marché d'un nouveau produit. « Il y en a dans le pipeline, assure toutefois M. Coallier. Il faut les concrétiser. »

Quant au fonds avec la Caisse de dépôt, « il y a une certaine complexité à mettre en place cette plateforme qui vise le développement de produits dans le secteur laitier ».

Le dirigeant assure cependant qu'Agropur est « plus habile et rapide à créer de nouveaux produits » grâce à ses nouvelles façons de travailler. D'ailleurs, une innovation « dans le secteur de la crème glacée » sera lancée en mars prochain, annonce-t-il.

LES CINQ PME DE LA PREMIÈRE COHORTE

U Main 

(MONTRÉAL)

Produit : kits de fromage artisanal à faire soi-même à la maison. Permet de faire de la ricotta, de la mozzarella, du cheddar, de l'halloumi, etc. Offerts en ligne ainsi que dans une quinzaine de magasins à travers le Québec, dont dix dans la région montréalaise.

Sweetaly Dolceria 

(OCEANSIDE, CALIFORNIE) 

Produits : desserts laitiers d'inspiration italienne (mousse au chocolat, panna cotta, tiramisu). Offerts dans plusieurs commerces en Californie, au Texas et dans la région de New York, entre autres.

SaltiSweet Ice Cream Factory

(LITTLETON, COLORADO)

Produit : crème glacée sur bâton en biscuit qui élimine « le goût désagréable et l'empreinte environnementale des bâtons de bois ». Déjà vendu dans 1600 magasins répartis dans 47 États américains.

Cheese Grotto 

(BROOKLYN, NEW YORK) 

Produit : celliers à fromages en bois fabriqués en Virginie et dans l'État de New York. L'entreprise affirme que son produit, vendu en ligne, accroît la durée de vie des fromages.

Peak Yogurt

(SAN FRANCISCO, CALIFORNIE) 

Produit : yogourts triple crème, peu sucrés et inspirés par le mouvement cétogène (régime dit Keto). Offerts principalement dans des commerces de la côte Ouest américaine et en ligne (livraison aux États-Unis seulement).