Avec des chutes de rendement d'au moins 20 % pour les fraises d'été, les producteurs du Québec devront se serrer la ceinture pour se maintenir à flot cette année. Et l'herbe n'est pas plus verte dans les champs de bleuets sauvages, avec des pertes appréhendées allant jusqu'à 60 % au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

« La saison avait bien commencé avec une semaine de décalage météo. J'avais même eu le temps de former des équipes de cueilleurs étudiants. Puis, la canicule a frappé », se désole la productrice Josiane Cormier, dont la majorité des revenus provient de sa ferme d'autocueillette située au nord-est de Montréal.

Début juillet, à la ferme Onésime Pouliot, à l'île d'Orléans, qui approvisionne les géants IGA et Metro. La chaleur était devenue extrême à un point tel que le producteur Guy Pouliot s'est mis à distribuer gracieusement des popsicles à ses 213 travailleurs venus du Mexique. Pendant ce temps, les fraises cuisaient sous le soleil.

« Je me souviens d'une journée en particulier, ça n'avait juste plus d'allure, toute cette chaleur. J'ai pris la décision de sortir mes gars des champs, j'ai stoppé la cueillette en plein pic de la saison », explique Guy Pouliot, aussi vice-président de l'Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec (APFFQ).

Pendant ce temps, à la ferme Cormier de L'Assomption, la productrice Cormier engageait des frais supplémentaires pour irriguer ses terres situées sur le rang de l'Achigan. Josiane Cormier estime avoir perdu 75 % de son volume habituel.

« Le gros de mon volume provient de l'autocueillette, explique-t-elle. Mais avec la canicule du début de juillet, les gens ne sont pas venus cueillir leurs fraises. J'ai mes cueilleurs étudiants, mais je devais les laisser partir à 11 h à cause de la chaleur. Le pire, c'est que j'étais toute contente de pouvoir enfin me permettre l'embauche de quatre travailleurs venus de l'étranger cette année. »

Gel d'hiver aussi en cause

Dans l'est du Québec, les grands froids du temps des Fêtes de l'an dernier ont contribué aux mauvaises récoltes de l'été en n'offrant pas une bonne couverture de neige. Selon M. Pouliot, de 15 à 20 % des plants sont morts à cause du gel. Le froid a causé des dommages collatéraux au reste des plants, moins feuillus, devenus chétifs, frêles.

Le consommateur peut voir le résultat de ces extrêmes de température dans ses casseaux de petits fruits, avec des fraises généralement plus petites.

« Au lieu d'avoir 100 fraises dans un casseau, on va en compter 123. Ça donne une idée de la différence de grosseur des fraises qu'on a cet été. »

Joint après une visite matinale de ses champs dans le secteur de Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, le producteur de bleuets et président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec (SPBQ), Daniel Gobeil, a fait parvenir une photo de ce qui ressemble à des graines de moutarde.

Or, ce sont plutôt des bleuets qui, faute de pluie, ont séché au soleil.

« La saison avait pourtant bien commencé avec une belle floraison, pas de gel. Mais à partir du 18 juin, on a eu une sécheresse. On a reçu des lichettes de pluie dispersées », déplore-t-il.

À environ 49 cents le litre de bleuets, le SPBQ est engagé dans un bras de fer avec les deux usines de transformation de la région pour obtenir une meilleure reddition de comptes. Plus de 95 % des bleuets sauvages récoltés au Québec sont surgelés. M. Gobeil craint que des petits producteurs cèdent leurs terres (ils sont 431).

Meilleure récolte en automne ?

Du côté des fraises, les producteurs fondent des espoirs dans la saison des fraises d'automne, qui bat son plein depuis la fin de juillet. Grâce à de nouvelles méthodes, certaines variétés de fraises poussent jusqu'en octobre au Québec. Et cette année, des framboises tardives font aussi leur apparition.

Quant à Mme  Cormier, de L'Assomption, qui ne cultive pas les fraises d'automne, elle se rabat sur ses champs de citrouilles, qui sont très beaux, dit-elle.

« Si on a une belle température durant les longs congés de l'automne, l'autocueillette sera bonne. Les gens aiment venir cueillir leur citrouille et des courges pour l'activité en famille », souligne-t-elle.