Les droits de 25 % que veut imposer la Chine sur le soya américain devraient en théorie favoriser les autres producteurs, dont le Québec, où cette culture a pris beaucoup d'importance au cours des dernières années. Mais en réalité, cette guerre commerciale risque surtout de faire des perdants partout.

« À court terme, tout le monde perd », résume Ramzy Yelda, analyste principal des marchés à la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec. Le prix du soya, qui se négocie à la Bourse de Chicago, a chuté depuis l'annonce de la Chine, ce qui touche tous les producteurs, tant américains que canadiens.

« Le marché va se réajuster, mais ça prendra du temps », explique le spécialiste du marché. Il s'agit d'une chaîne logistique complexe, avec des bateaux affrétés longtemps à l'avance et qui parcourent de longues distances. « Ça ne peut pas se virer de bord rapidement. »

En attendant, les prix vont rester bas parce que le marché n'aime pas l'incertitude. 

« Il ne faut pas oublier qu'il s'agit encore de menaces et que les tarifs ne sont pas en vigueur pour le moment, tant du côté américain que du côté chinois. »

Si l'incertitude persiste, les prix vont rester bas. Si les tarifs sont mis en vigueur, le prix du soya pourrait remonter. « À moyen terme, on pourrait en bénéficier, avance l'analyste. Mais il y a une période qui va être douloureuse. »

Une culture rentable

Les cultures de soya ont progressé à pas de géant au Canada au cours des dernières années. Les provinces de l'Ontario et du Québec s'y sont mises les premières, puis l'ouest du pays leur a emboîté le pas. La superficie consacrée à la culture du soya au Québec est maintenant équivalente à celle du maïs, et la production québécoise représente 15 % de la production du Canada.

La raison de cet engouement : c'est l'une des cultures les plus rentables au monde. Mardi, avant l'annonce de la Chine, la tonne de soya se vendait 465 $, contre 205 $ pour la tonne de maïs.

Le soya québécois est exporté à travers le monde, en Chine, mais aussi au Japon et en Europe. Selon Ramsy Yelda, il est pratiquement impossible d'augmenter la production actuelle du Canada et du Québec pour satisfaire à une demande plus forte de la Chine. La Chine risque de se tourner vers le Brésil, son autre important fournisseur avec les États-Unis, mais il sera lui aussi incapable d'augmenter suffisamment sa production. « Les prix vont augmenter et la Chine va payer plus cher son soya », estime M. Yelda.

Des besoins énormes

La Chine consomme près de 100 millions de tonnes de soya par année, surtout pour nourrir le bétail destiné à une population qui mange de plus en plus de viande.

Le Brésil satisfait à la moitié des besoins chinois et les États-Unis lui en ont vendu l'an dernier 33 millions de tonnes.

En comparaison, la production canadienne est très modeste.

Le marché du soya en chiffres

PRODUCTION CANADIENNE DE SOYA (2017)

• 7,7 millions de tonnes

RÉPARTITION DE LA PRODUCTION

• Ontario : 48 %

• Manitoba : 29 %

• Québec : 15 %

EXPORTATIONS CANADIENNES (2016)

• En volume : 5 millions de tonnes

• En valeur : 2,8 milliards

PRINCIPAUX MARCHÉS D'EXPORTATION DU CANADA

• Chine : 37 %

• États-Unis : 11 %

• Japon : 7 %

• Pays-Bas : 6,6 %

• Italie : 4,1 %

Source : Soy Canada