Cette année encore, la Fédération des producteurs acéricoles a saisi le sirop d'un couple de producteurs des Cantons-de-l'Est, qui refuse de se plier à ses façons de faire.

La saison des sucres commence bien mal pour un couple de producteurs de Scotstown, dans les Cantons-de-l'Est : hier matin, une partie de leur sirop de ce début d'année 2018 a été saisi.

C'est la Fédération des producteurs acéricoles du Québec qui a ordonné l'intervention à l'Érablière Gaudreau, avec une ordonnance de saisie avant jugement en main.

Pourquoi ? La Fédération craint que le couple vende directement son sirop en grande quantité à un intermédiaire, ce qu'il ne peut pas faire selon les mécanismes mis en place au Québec.

Nathalie Bombardier et Daniel Gaudreau n'en sont pas à leurs premiers démêlés avec le syndicat de producteurs de sirop d'érable qui gère la vente en vrac pour tous les acériculteurs de la province.

« On est plus devant un cas de désobéissance civile que d'un réel désir de régler les choses. » - Simon Trépanier, directeur général de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec

Au Québec, les acériculteurs peuvent vendre leur sirop directement à leur clientèle dans de petits contenants de moins de cinq litres, comme les célèbres boîtes de conserve de sirop. Environ 80 % des Québécois achètent directement du producteur, explique Simon Trépanier, directeur général de la Fédération, mais cela ne représente que 10 % du sirop produit annuellement au Québec, le plus gros étant destiné à l'exportation. Le reste est donc vendu en vrac et les acériculteurs doivent obligatoirement passer par la Fédération et détenir des contingents.

GUERRE OUVERTE

Le couple Bombardier-Gaudreau refuse de se plier à cette façon de faire, comme quelques autres producteurs québécois qui sont en guerre ouverte contre leur fédération - guerre qui se conclut souvent devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, en faveur de la Fédération.

L'automne dernier, l'Érablière Gaudreau a été condamnée à verser 321 000 $ à sa fédération par la Régie, qui a jugé que l'entreprise des Cantons-de-l'Est ne respectait pas le plan conjoint mis en place il y a plus de 25 ans. Le tribunal a calculé que le couple avait vendu 280 506 livres de sirop entre 2010 et 2014 sans détenir de contingents équivalents.

Depuis 2013, la Fédération procède aussi à des saisies de sirop. 

À l'Érablière Gaudreau, les saisies sont devenues une tradition, comme le temps des sucres.

Il y en a eu une en 2014. Puis, en 2015, le couple s'était entendu avec la Fédération : Nathalie Bombardier et Daniel Gaudreau avaient été nommés « gardiens » de leur sirop « saisi ». Les barils étaient restés sur leur propriété et les producteurs pouvaient le vendre, à condition que ce soit en petits contenants. L'entente a tourné au vinaigre et les barils ont finalement quitté l'érablière de Scotstown au début de 2018.

« Depuis 2017, la Fédération est de plus en plus agressive dans ses interventions, a confié sa conjointe, Nathalie Bombardier. On se bat encore, mais je crois que pour la Fédération, c'est devenu une guerre personnelle contre nous. »

Cette année, une seule saisie est prévue, celle de l'Érablière Gaudreau, a dit Simon Trépanier, qui confirme aussi que les deux parties n'arrivent pas à s'entendre.

L'huissier est finalement reparti avec 18 barils de 32 gallons hier matin, la saison étant plutôt inégale jusqu'à présent dans ce coin de la province.

EN CHIFFRES

14 cents: La Fédération des producteurs acéricoles prélève 0,14 $ par livre de sirop en vrac qui lui est versée.

46 millions: Le Québec compte actuellement 46 millions d'entailles. La gestion des entailles passe aussi par la Fédération.

152 millions: En 2017, le Québec a produit 152 millions de livres de sirop. La province est de loin le principal producteur mondial.