Justin Trudeau ne promet aucune compensation financière aux agriculteurs qui s'inquiètent de l'impact de la signature d'un autre accord de libre-échange.

Cette semaine, alors qu'il participait au Forum économique mondial, à Davos, le premier ministre a annoncé que le Canada s'était entendu avec 10 pays en vue de la signature d'une nouvelle mouture du Partenariat transpacifique.

La nouvelle a été accueillie par des applaudissements dans les Alpes suisses, mais au Canada, elle est source d'inquiétude pour les producteurs agricoles qui redoutent de nouvelles brèches dans le système de gestion de l'offre qui les protège.

Après la signature de l'entente de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, Ottawa a offert une compensation financière aux agriculteurs canadiens pour adoucir le choc.

Jeudi, alors qu'il tenait une conférence de presse à Davos avant de rentrer au Canada, le premier ministre Trudeau n'a pas voulu s'engager à en faire autant.

«Par rapport à la gestion de l'offre, nous continuons de protéger la gestion de l'offre, et nous allons toujours travailler (...) avec les gens qui ont des inquiétudes pour s'assurer qu'on avance de la bonne façon», a-t-il offert.

À la journaliste qui l'a relancé en notant que sa réponse laissait entendre qu'il n'y avait pas d'engagement financier «à ce point-ci», il a répondu par un silence.

Et comme il l'avait fait dans son discours de mardi, le premier ministre a chanté les louanges des traités de libre-échange progressistes.

«Mais il faut toujours démontrer que c'est bon pour les travailleurs, c'est bon pour les différentes industries, et que ça va créer de la croissance économique qui va bénéficier pas juste aux pays, pas juste aux multinationales, mais aux travailleurs», a-t-il noté.

L'absence d'engagement de la part du premier ministre a été mal accueillie par le président général de l'Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau.

«Le silence de M. Trudeau sur des mesures de mitigation pour accompagner les secteurs sous gestion de l'offre face aux pertes qu'ils vont subir est inquiétant», s'est-il désolé dans une déclaration transmise à La Presse canadienne, jeudi.

Même préoccupation du côté de Bruno Letendre, président des Producteurs de lait du Québec, selon qui le gouvernement canadien devra «agir rapidement afin d'amortir les impacts négatifs découlant de cette entente».

Il a dit souhaiter «un dialogue rapide» avec Ottawa afin «de déterminer la façon efficace d'atténuer les impacts pour tous les producteurs laitiers».

Une mission payante ?

Invité à dire si la récolte en sol helvète avait été bonne, Justin Trudeau a assuré que sa mission commerciale serait payante.

En janvier 2016, le voyage de la délégation canadienne au Forum économique mondial de Davos avait coûté 855 379 $ aux contribuables, selon les informations du réseau CBC.

«Il y a deux ans, quand je suis venu à Davos, on a eu des conversations avec beaucoup d'investisseurs potentiels qui par la suite ont fait des investissements - qu'on parle de Microsoft, qu'on parle de GM, qu'on parle d'IBM», a-t-il argué.

Il n'a pas voulu dire si l'un des nombreux chefs d'entreprises qu'il a rencontrés pendant ses trois jours passés en Suisse s'était formellement engagé à investir au Canada.

«Je ne veux pas faire d'annonce maintenant, mais dans les semaines et les mois à venir, il va y avoir plusieurs annonces extrêmement positives», a soutenu le premier ministre, dont la conférence de presse a fait salle comble.

Il a par ailleurs fait valoir que la grand-messe annuelle dans la station de ski huppée était aussi une occasion rêvée «de partager nos valeurs et de contribuer à des conversations sur comment le monde peut et doit s'améliorer».

L'avion du premier ministre canadien s'envole vers Ottawa en fin de soirée, jeudi. En début de journée, c'était celui du président des États-Unis, Donald Trump, qui se posait à Zurich.

Les dirigeants des deux pays qui sont actuellement dans un bras de fer avec la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) n'auront donc pas profité de leur présence à Davos pour se rencontrer.

«J'ai des échanges réguliers (...) avec le président Trump. Je le vois dans bien des sommets ; on se parle régulièrement», a offert Justin Trudeau lorsqu'on lui a demandé pourquoi un entretien bilatéral n'avait pas été organisé.

«Quand on est en Europe, je pense que c'est normal qu'on mette la priorité sur l'opportunité de voir des gens qu'on ne voit pas aussi souvent que moi et Donald», a-t-il poursuivi.

Le président Trump doit livrer vendredi à Davos un discours très attendu.

On s'attend à ce qu'il soit protectionniste, donc à l'opposé des allocutions livrées au fil de la semaine par des dirigeants comme Narendra Modi, de l'Inde, Emmanuel Macron, de la France, et Angela Merkel, de l'Allemagne.

Le premier ministre Trudeau a dit avoir hâte de l'entendre, estimant que la diversité des opinions est une «bonne chose».