Il en coûterait 13 milliards de dollars aux gouvernements pour mettre fin au système de la gestion de l'offre au Canada tout en indemnisant les agriculteurs et producteurs laitiers, estime l'Institut économique de Montréal (IEDM), dans une nouvelle note de recherche publiée jeudi.

Alors que le système régissant les productions de lait, d'oeufs et de volailles s'est invité dans la course au leadership du Parti conservateur du Canada, en plus d'être dans le collimateur de l'administration Trump, le groupe de réflexion souhaite offrir une «porte de sortie» aux décideurs politiques à l'aube d'une renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

«C'est aberrant de voir les gouvernements critiquer les droits compensatoires sur le bois d'oeuvre et défendre notre système de gestion de l'offre», affirme l'analyste en politiques publiques à l'IEDM et coauteur de la publication, Alexandre Moreau.

Même si l'IEDM évalue que la valeur marchande des quotas atteindrait 34,4 milliards $, l'organisme, se basant sur une série de documents publics, dont des études publiées en Ontario, estime que les indemnités qui devraient être versées aux agriculteurs et producteurs s'élèveraient plutôt à 13 milliards $, comme plusieurs fermiers ont obtenu leurs quotas gratuitement dans les années 1970, ce qui, de l'avis de M. Moreau, fausse la donne.

Ainsi, en échange d'une libéralisation immédiate de la gestion de l'offre, l'IEDM propose l'instauration d'une «taxe transitoire» de 10 ans qui permettrait de verser annuellement 1,6 milliard $ aux agriculteurs concernés jusqu'à concurrence de 13 milliards $. Les montants versés seraient déterminés en fonction de la taille des fermes.

Au Canada, l'Institut calcule qu'une telle mesure permettrait de faire passer de 4,93 $ à 2,31 $ le prix moyen d'un contenant de 2 litres de lait pendant la décennie au cours de laquelle la taxe transitoire serait en vigueur. Par la suite, le prix de détail s'établirait à 2,08 $, calcule l'IEDM.

«Pour profiter de la baisse des prix, il faut introduire rapidement la concurrence», fait valoir M. Moreau.

Économies pour le consommateur?

L'analyste de l'IEDM convient toutefois qu'on ne peut garantir que la baisse des prix qui profiterait aux transformateurs laitiers se refléterait entièrement sur le prix dans les supermarchés. Il ajoute toutefois que le but de la démarche vise à briser un monopole qui protège également des transformateurs.

«Il n'y a aucune concurrence étrangère qui profite aux consommateurs», déplore M. Moreau.

Si l'IEDM estime qu'une abolition de la gestion de l'offre serait bénéfique pour les consommateurs, une étude commandée en 2015 au cabinet américain Boston Consulting Group (BCG) par la coopérative laitière Agropur voit les choses autrement.

Toujours d'actualité d'après la coopérative, le document, qui évalue notamment les effets de la déréglementation de l'industrie laitière dans d'autres parties du monde comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ainsi que l'Union européenne, suggère que bien souvent, la baisse des prix à la ferme ne s'est pas reflétée sur le prix des articles vendus dans les supermarchés.

De plus, selon l'étude, l'abolition intégrale - donc sans indemnisations - du système de la gestion de l'offre menacerait 4500 à 6000 fermes et pourrait faire disparaître jusqu'à 24 000 emplois directs au Canada. Le Québec serait parmi les provinces les plus touchées. En Australie, par exemple une baisse de la production laitière de l'ordre de 15 pour cent a été constatée depuis 2000, alors qu'au Royaume-Uni, le recul constaté depuis 1995 est estimé à sept pour cent.

Questionné sur l'étude commandée par Agropur, M. Moreau a rappelé que le Canada était l'un des endroits où le prix du lait payé aux producteurs laitiers était le plus élevé dans le monde.

«C'est certain que cette prime provoquée par la gestion de l'offre est bénéfique pour les fermiers, mais ultimement, ce coût est refilé aux consommateurs, a-t-il dit. Il en coûte plus cher aux transformateurs pour acquérir leur matière première (...) et cela est transféré aux consommateurs.»