Les mois qui viennent n'augurent rien de bon pour le porc québécois. Une surproduction américaine a déjà commencé à faire chuter les prix. Cerise sur un gâteau : l'élection du protectionniste Donald Trump n'est pas une bonne nouvelle pour une industrie qui exporte 70 % de ses porcs. Tour d'horizon, en trois destinations.

LES ÉTATS-UNIS 

Les producteurs d'ici, qui n'en sont pourtant pas à une crise près, se préparent au pire : les Américains font une quantité phénoménale de porcs cet automne. Leur production dépasse même parfois leur capacité d'abattage. 

Selon Brett Stuart, analyste du marché pour la firme américaine Global Agri Trends, la tendance n'est pas près de se renverser : les géants de l'industrie porcine américaine investissent dans de nouveaux abattoirs plus performants. Voyant cela, les éleveurs des États-Unis augmentent leur production. « Le secteur porcin américain est en pleine croissance et mise sur l'exportation », dit Brett Stuart, qui estime à 4 % l'augmentation de la production de porcs américains en 2017. 

M. Stuart s'exprimait jeudi dernier à Québec, dans le cadre du Forum stratégique sur l'avenir de la production porcine. Dans la salle, les producteurs québécois retenaient leur souffle : cette surproduction va avoir un effet dévastateur sur le prix qu'ils recevront pour leurs porcs vivants. 

« Plus le prix va être à la baisse, plus on va perdre des producteurs, donc il y aura moins de production », explique Gaëlle Leruste, conseillère principale aux communications aux Éleveurs de porcs du Québec. « Pendant ce temps-là, nos concurrents américains vont prendre la place sur les marchés qui se développent », ajoute David Boissonneault, président du même regroupement.

PAYS PRODUCTEURS DE PORCS 

48 % Chine 

22 % Union européenne 

10 % États-Unis 

2 % Canada 

Source : USDA

ET VOICI TRUMP ! 

La moitié du porc québécois part vers les États-Unis. L'élection de Donald Trump, qui promet de déchirer, au pire, de renégocier, au mieux, les accords économiques n'a pas été accueillie avec joie aux Éleveurs de porcs du Québec. Le président du syndicat croit toutefois que M. Trump calmera ses ardeurs une fois installé à la Maison-Blanche. « C'est un homme d'affaires, dit David Boissonneault. Il gouvernait une entreprise privée, comme je gouverne chez nous, dans mon entreprise. Lorsque tu es à la tête d'une organisation collective démocratique, tu ne peux pas gouverner de la même manière. » 

Brett Stuart croit aussi que le prochain président va changer ses discours sur le commerce international s'il s'entoure de gens qui connaissent et comprennent l'agriculture. Dans le cas du porc, la main-d'oeuvre immigrée est essentielle dans les abattoirs. « Et ce n'est pas parce que les employés sont mal payés, explique l'analyste. Le salaire moyen y est de 15 $ l'heure, alors que le salaire minimum est de 8 $ l'heure aux États-Unis. Mais vous offririez 30 $ et les Américains n'iraient pas plus. » 

De plus, le Mexique est un bon client pour le porc américain, rappelle-t-il. Le serait-il encore si les camions de livraison devaient franchir un mur ?

L'EUROPE 

La signature de l'Accord économique et commercial global prévoit une exportation de 70 000 tonnes de porc canadien vers l'Europe. Si les Éleveurs de porcs du Québec se réjouissent de cette ouverture, dans l'océan porcin européen, la contribution québécoise ne sera qu'une toute petite goutte. Surtout dans un marché qui compte des superpuissances porcines, l'Espagne et l'Allemagne, et une tradition de la viande bien établie. 

Vincent Chatellier, économiste à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Paris, est catégorique : si l'Europe avait besoin de porc canadien, elle en importerait déjà. 

« On n'a pas de besoin et on n'a pas du tout la tradition d'importation de produits porcins sur le marché domestique. On a une excellente production en Europe, de 3 millions de tonnes. »

- Vincent Chatellier, économiste à l'Institut national de la recherche agronomique de Paris

La seule façon pour le porc québécois de réussir en Europe ? Présenter des produits uniques, croit Vincent Chatellier. « Nous avons un goût de diversité, dit l'économiste. Si on nous propose des produits singuliers, par exemple un jambon québécois, ça pourrait flatter notre goût d'exotisme. » 

« La France produit 17 % du vin mondial, et pourtant, on trouve du vin chilien dans tous les rayons de magasins, poursuit-il. Pourquoi on consomme ça ? Parce que de temps en temps, on a envie de sortir de nos frontières. On achète une part de territoire quand on achète ça. » 

Autre défi pour le porc d'ici : vue d'Europe, la viande québécoise est parfois considérée comme de la viande américaine. « Les gens se disent que ça vient de l'Amérique du Nord, explique Vincent Chatellier. Et on a des doutes sur la manière dont c'est produit, sur le respect du bien-être animal. Il y a une suspicion dans le domaine des viandes beaucoup plus forte que dans d'autres produits. »

« On exporte 70 % de notre porc. Ça nous prend un portefeuille diversifié. Avoir l'Europe, c'est une carte de plus dans notre jeu. » 

- David Boissonneault, président des Éleveurs de porcs du Québec

L'ASIE 

L'industrie du porc du Québec n'a pas attendu la signature du Partenariat transpacifique en 2015 pour établir des liens avec l'Asie. 

La Chine et le Japon reçoivent près du quart des exportations de porc québécois. Certains transformateurs font aussi affaire avec la Corée et le Viêtnam. En Asie, contrairement à ce qui se passe en Amérique et en Europe, la consommation de porc est en hausse. 

« Avec les Japonais, on a débuté tranquillement, avec de petits volumes, explique David Boissonneault, président des Éleveurs de porcs du Québec. Ensuite, on a développé des cahiers des charges selon leurs exigences. » 

Rappelons-nous que le porc Nagano, créé par le Groupe Robitaille, a été créé pour plaire à des clients japonais. Ce porc de spécialité est maintenant offert ici.