La famille Chenail, active dans le commerce de gros de fruits et légumes, investit 30 millions en immobilier industriel à Saint-Laurent, signe indéniable que les affaires sont bonnes dans la distribution de produits maraîchers. Explication d'une tendance qui a provoqué une vague d'investissements au sein d'entreprises québécoises.

Qui est le groupe Chenail?

Le grossiste est établi rue Bellarmin, entre la Métropolitaine et le parc Jarry, dans le quartier Villeray. Fondé en 1993, Chenail compte 500 clients à qui il offre 1500 produits distribués par sa flotte de 38 camions. Son chiffre d'affaires atteint les 120 millions, selon son site web.

Chenail investit dans l'immobilier

Chenail vient de se porter acquéreur de 10 immeubles du portefeuille PCDL de Saint-Laurent, le long du chemin de la Côte-de-Liesse, pour la somme de 30 millions. En 2011, Westpen, de Colombie-Britannique, avait acheté le même portefeuille de 388 000 pieds carrés, à un immeuble près, pour la somme de 29,5 millions. À l'époque, le vendeur était Penvest. «L'achat a été fait à des fins d'investissement immobilier. Il n'est pas question que l'on y déménage», assure au téléphone Jean-François Chenail, président de Chenail.

Une industrie qui a le vent en poupe

Ces dernières années, les principaux grossistes en fruits et légumes de Montréal ont aménagé des installations dernier cri. Ce fut le cas de Ten Star en 2006 ; Courchesne Larose a quitté le Centre-Sud pour s'établir à Anjou en 2011 et Canadawide a quitté le Marché Central en 2012 pour s'établir directement à l'intersection des autoroutes 15 et 40. En 2013, J.B. Laverdure et Chenail ont investi près de 5 millions chacun pour moderniser leurs installations respectives.

Expansion et modernisation

Les grossistes profitent des travaux pour se doter de systèmes de réfrigération dernier cri. Certains aménagent des chambres de mûrissement de bananes. Ils automatisent le plus possible leurs équipements pour pallier les problèmes de main-d'oeuvre. La palette de produits offerts grandissant sans cesse, les entrepôts s'étendent maintenant sur plus de 100 000 pieds carrés et sont dotés de plafonds de 30 pieds de haut. Des sociétés ajoutent des fonctions d'emballage, donnant à leurs produits une valeur ajoutée appréciée par les grands noms de la distribution comme Metro ou IGA.

La sécheresse en Californie crée une condition favorable à l'exportation

La sécheresse en Californie, jumelée aux coûts de transport, rend les produits en provenance de cet État moins concurrentiels et nos entreprises en profitent pour gagner des parts de marché. Le taux de change favorable facilite le processus. «Les grossistes exportent beaucoup dans les régions de New York», Boston et Philadelphie, explique André Plante, directeur général de l'Association des producteurs maraîchers du Québec. Les prix sont bons en raison de la rareté de l'offre, ce qui fait augmenter les marges des grossistes-exportateurs. Ceux-ci sont en meilleure position pour investir.

Un marché local en santé

La demande pour les fruits et légumes se maintient au Québec, soutient Sophie Perreault, PDG de l'Association québécoise de la distribution de fruits et légumes. «On continue d'être le chouchou du Guide alimentaire canadien. D'offrir un produit sans controverse. Les fruits et légumes, il n'y a pas de restrictions ; on peut en manger autant qu'on veut. C'est bon pour la santé. Ça fait l'unanimité», fait-elle valoir.

Les installations du Marché Central deviennent obsolètes

Dans ce grand jeu de l'investissement, l'Association des producteurs maraîchers du Québec, qui exploite sous bail la Place des producteurs au Marché Central, est perdante. André Plante, DG de l'Association, le reconnaît sans détour : les installations sont devenues obsolètes. «On ne peut pas s'améliorer sur place. Le propriétaire a fait modifier le zonage pour du commerce de détail au lieu d'un marché public, dit-il. Par cette astuce, la Ville ne délivre pas de permis pour des travaux qui nous permettraient de nous moderniser.»

Un départ du Marché Central inévitable

Bien qu'il reste encore 35 ans au bail liant les producteurs maraîchers au Marché Central, un déménagement paraît inévitable. «On planche avec des spécialistes en logistique et des architectes pour se donner un bâtiment dans l'éventualité où l'on se relocaliserait, dit M. Plante. On ne peut pas savoir c'est pour quand, car, présentement, on n'a pas d'offres.» En 2010, l'Association avait reçu une offre pour déménager sur le terrain du Club de golf métropolitain à Anjou. Elle avait toutefois décliné la proposition, devant le refus des grossistes comme Canadawide de la suivre dans l'Est.