Après avoir offert plus de 180 millions de produits gratuits à ses clients dont les achats dépassaient 70 $, IGA change de stratégie marketing et met fin à la prime de la semaine. L'épicier mise désormais sur des promotions ponctuelles comme celle des timbres donnant droit à des chaudrons, dont le succès fut «phénoménal».

La décision ne serait pas justifiée par les coûts du programme ni par les problèmes financiers de la société mère, Sobeys, qui a perdu 1,4 milliard à son dernier trimestre.

«On veut toujours donner plus de valeur aux clients, explique la porte-parole Marie-Noëlle Cano. Et on réalise que des promotions comme les casseroles [vendues à faible prix aux clients qui accumulaient des timbres] et l'épicerie gratuite, ça marche bien. On se dit que c'est peut-être la formule la plus bénéfique.»

Les clients qui avaient rempli des cartes de timbres ont pu se procurer leur batterie de cuisine jusqu'au début de mars. Depuis, IGA a lancé un concours dont le premier prix est 25 ans d'épicerie gratuite (l'équivalent de 130 000 $). Des rabais sur l'essence sont également offerts.

Marie-Noëlle Cano affirme que Sobeys est présentement en mode recherche pour l'avenir. «On essaie de nouvelles sortes de promotions pour tester l'intérêt des consommateurs.»

Il n'a pas été possible de savoir ce qui succéderait au concours (en avril) ou si l'on souhaitait éventuellement revenir à une promotion permanente. Chose certaine, les objectifs demeurent les mêmes: fidéliser les clients et faire augmenter la valeur moyenne des transactions.

Outil efficace pour les manufacturiers

IGA avait commencé à donner des produits - d'une valeur moyenne de 3,50 $ - à la fin de 2007. Au fil des ans, les clients ont eu droit à des craquelins, des essuie-tout, du fromage, des produits nettoyants, des barres de chocolat... Le coût était partagé entre le manufacturier, le marchand propriétaire et Sobeys dans des proportions variables selon les produits.

La responsable du marketing d'une entreprise dont les produits ont été donnés chez IGA a raconté à La Presse que ce programme était très apprécié dans l'industrie. 

Une autre source du secteur alimentaire ajoute qu'il y avait une liste d'attente, tant les retombées étaient positives.

«C'est un investissement majeur, mais ça a valu le coût. Pour nous, ç'a été un outil de marketing et de développement. On a vu une hausse significative des ventes [de 15 à 20%] l'année qui a suivi», nous a confié le PDG d'un transformateur alimentaire qui a tenté l'expérience plus d'une fois. En une semaine, il écoulait plus de 500 000 unités à travers le Québec. IGA affirme qu'au moins 430 000 produits étaient donnés chaque semaine.

«La folie furieuse» pour les chaudrons

De leur côté, les marchands propriétaires à qui nous avons parlé ne sont pas déçus de voir que Sobeys se renouvelle. «C'était rendu redondant, ça perdait un peu de son intérêt», a évoqué l'un d'eux. Ils se demandent toutefois si la prochaine stratégie marketing aura autant de succès que celle des timbres. «Il va falloir qu'ils [Sobeys] trouvent quelque chose d'aussi exceptionnel, sinon le monde va être déçu. La marche est haute.»

Selon nos informations, IGA a vendu 1,2 million de chaudrons. Soit environ 5000 en moyenne par magasin. C'est deux fois plus que les prévisions. «Ç'a été un succès phénoménal. C'était la folie furieuse! Dans ma carrière de plus de 20 ans, c'est la plus belle promotion que j'ai vue, même s'il y avait plusieurs marchands sceptiques au début», relate un marchand dont les ventes ont progressé.

«Je trouvais ça aberrant de coller des timbres comme dans les années 70. [...] Mais les chaudrons rentraient par palettes. C'était fou! ajoute un autre épicier. Ç'a été excellent pour tout le monde. Les gens qui font normalement 4-5 places sont venus plus souvent chez IGA, surtout à la fin de la promotion pour venir chercher des timbres.»

«Vers la fin, c'était fou. Ils me livraient pour 35 000 $ de chaudrons [prix coûtant du marchand] le vendredi et le lundi, je n'en avais plus!», détaille l'un de ses confrères.

Safeway: intégration difficile

Les ennuis financiers de Sobeys s'expliquent par la réduction de la valeur des actifs de la chaîne Safeway (acquise en 2013) et les problèmes d'intégration de ces épiceries. De plus, l'environnement économique difficile en Alberta et en Saskatchewan encourage les consommateurs à se tourner vers les supermarchés à prix réduits (de type Maxi ou Super C), un créneau peu exploité par Sobeys dans ces provinces.