Du lait, c'est du lait, mais le contenant peut faire toute la différence. De fait, Saputo a réussi après plusieurs années à convaincre deux grandes chaînes de supermarchés du Québec de vendre son lait grâce à son nouveau cruchon de plastique de 4 litres.

Dans le reste du Canada et aux États-Unis, les «gallons» de lait sont monnaie courante depuis très longtemps. Mais chez nous, la situation est bien différente.

«Le jug [cruchon] de 4 litres, on est les seuls à l'offrir au Québec. Historiquement, ici, c'est les sacs. [...] On a décidé d'innover. Pour nous, c'est un différenciateur qui joue en notre faveur», se réjouit Kim-Tuan Nguyen, directeur du développement des affaires, lait et produits de culture, chez Saputo.

Le transformateur laitier est effectivement le seul à proposer ce contenant dans toute la province. Par contre, la laiterie des Trois-Vallées, à Mont-Laurier, l'offre depuis 23 ans dans son coin de pays. C'est d'ailleurs cette laiterie qui avait demandé au gouvernement, à l'époque, le droit de vendre du lait dans des contenants de plastique, raconte son directeur général, Gilles Turgeon.

Quoi qu'il en soit, la décision de Saputo d'offrir ce format a porté ses fruits: elle lui a permis de convaincre le groupe Loblaw de vendre la marque Nutrilait dans ses Maxi et Provigo. Kim-Tuan Nguyen n'a pas voulu dire si des discussions étaient en cours avec Metro et IGA. Mais aucun contrat d'exclusivité n'a été signé avec Loblaw. Metro n'a pas voulu expliquer pourquoi il ne s'intéresse pas aux cruchons de 4 litres.

Gros et petit à la fois

Il faut savoir que la marque Nutrilait a toujours été absente des grandes chaînes de supermarchés. Même si Saputo est un géant laitier avec des revenus annuels de 10,7 milliards de dollars, il s'agit d'un petit acteur dans le secteur québécois du lait.

À eux seuls, Parmalat (Lactancia, Beatrice) et Agropur (Québon, Natrel, Sealtest) accaparent 90% du marché, ce qui complique l'accès aux frigos des chaînes.

Depuis 2007, on retrouve principalement le Nutrilait chez Pharmaprix et Walmart, deux commerces où il n'est pas encore très naturel d'acheter son lait. Zellers en a aussi vendu. «Saputo tente de son positionner dans le marché sans faire de guerre de prix, en essayant plutôt de développer de nouveaux créneaux», observe Charles Langlois, PDG du Conseil des industriels laitiers du Québec.

Travail d'éducation à faire

Charles Valois, vice-président responsable de la mise en marché pour la chaîne Provigo, a précisé à La Presse Affaires que le fait que Loblaw soit le propriétaire de Pharmaprix (depuis 2013) n'a rien à voir avec l'arrivée de la marque Nutrilait dans les frigos de Provigo et de Maxi ces derniers mois. «C'est juste l'arrivée du nouveau format [qui a fait une différence].» Chez Saputo, on fait valoir que le changement d'image de marque, effectué l'été dernier, a aussi donné un coup de pouce. Dans les Provigo et les Maxi, aucun produit n'a été retiré des rayons pour faire de la place aux cruchons Nutrilait de 4 litres, jure-t-on. L'espace alloué à chaque type de lait a été distribué autrement.

Impossible pour le moment de savoir jusqu'à quel point le consommateur adopte la plus grosse cruche de lait vendue dans la province. Loblaw dit ne pas encore avoir analysé les chiffres. Saputo, de son côté, convient qu'il «y a un travail d'éducation à faire, car au Québec, on n'est pas familiers avec ce format», indique la chef, marketing, lait et produits de culture, Marilyne Dagenais.

Les autres laiteries emboîteront-elles le pas? Jusqu'ici, elles ont toujours préféré les sacs parce que le contenant de plastique «coûte quand même assez cher», ce qui réduirait leur marge, dit le patron de la laiterie des Trois-Vallées. Caroline Losson, vice-présidente du marketing chez Natrel, affirme que la vente de cruchons de 4 litres n'est pas dans les plans en raison des coûts et de l'équipement nécessaire.

«Dans un effort commun», Loblaw et Saputo ont convenu de vendre les cruchons de 4 litres au prix minimum autorisé par la loi.