Si le panier d'épicerie des Canadiens semblait onéreux en 2015, il le sera encore bien plus en 2016.

Les gestionnaires des chaînes d'épiceries ont prévenu qu'il n'y avait pas de baisse en vue pour les prix déjà élevés des aliments, en raison notamment de la chute de la valeur du dollar canadien. Des chercheurs suggèrent donc que les consommateurs devront subir un nouveau choc des prix au cours de l'année prochaine.

L'Institut alimentaire de l'Université de Guelph estime que les ménages canadiens ont dépensé en moyenne 325 $ de plus pour leurs aliments cette année. Or ils devraient s'attendre à débourser environ 345 $ de plus en 2016.

Étant donné que 81% de tous les fruits et légumes consommés au Canada sont importés, ils sont vulnérables aux variations des devises. Leur coût devrait bondir de 4 à 4,5% dans la prochaine année.

Les familles devront dépenser davantage pour ces deux produits sans autre option de rechange, constate Sylvain Charlebois, auteur principal du rapport annuel sur les prix des aliments de l'université.

L'étude rappelle également que le phénomène El Niño devrait avoir plusieurs impacts «significatifs» en 2016, alors que les précipitations de pluie devraient être plus fréquentes dans plusieurs régions productrices des États-Unis.

«Nous prévoyons que l'El Niño aura des effets positifs sur les pénuries d'eau dans plusieurs zones en Amérique du Nord, particulièrement en Californie, alors les produits de l'agriculture pourraient augmenter», a noté M. Charlebois.

«Mais cela ne suffira pas à contrebalancer les effets inflationnistes du dollar», a-t-il nuancé.

Selon les prévisions de l'institut, les prix des viandes, qui ont crû de 5% dans la dernière année, augmenteront encore de 4,5% en 2016, tandis que ceux du poisson et des fruits de mer seront en hausse de 3%.

Les prix des produits laitiers, des oeufs et du grain pourraient également bondir de 2%.

Le mois dernier, le président de Loblaw, Galen Weston, a toutefois signalé lors d'une conférence téléphonique avec des investisseurs que l'inflation des prix de l'alimentation était difficile à prédire.

«Nous continuons d'avoir une forte inflation dans les (aliments) frais, bien qu'elle ait ralenti au cours de l'année. C'est vraiment la deuxième année (que l'on connaît) une forte inflation des produits frais», a-t-il soutenu, alors qu'il révélait les résultats du troisième trimestre de l'entreprise.

«C'est très, très difficile de prédire l'inflation, alors nous essayons, et nous restons conservateurs dans notre propre planification. Nous ne nous attendions pas à ce qu'un tel niveau d'inflation se maintienne tout le long de l'année, alors c'est difficile de dire avec certitude ce qu'il arrivera en 2016», a-t-il ajouté.

En commentant les bénéfices du quatrième trimestre de la chaîne Metro, le président Éric La Flèche a indiqué aux investisseurs que les prix élevés des aliments seraient inévitablement transmis aux consommateurs, autant que la concurrence le permettra.

«Tout en restant très compétitifs dans un environnement compétitif, nous réussissons à refiler un peu de l'inflation (aux clients). Je crois que nous avons fait du bon travail pour faire cela, et en considérant les marges (de profit) que nous avons livrées, je crois que c'est un fait. Alors espérons que nous continuerons de faire cela», a-t-il analysé.

Puisque l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a déclaré que 2016 serait l'année internationale des légumineuses - une industrie importante au Canada, l'un des plus grands producteurs de lentilles, de pois chiches, de fèves et de pois secs - M. Charlebois s'attend à ce que les autres aliments protéinés soient plus populaires cette année.

Getty Stewart, un spécialiste en économie familiale, croit que les consommateurs affectés par les hausses de prix sont de plus en plus enclins à essayer des recettes avec des légumineuses, qui sont beaucoup moins dispendieuses.

«Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous devrions utiliser et apprécier davantage nos légumineuses. Elles sont une source importante de protéines et leur empreinte environnementale est faible», a-t-il expliqué.

Les consommateurs pourraient aussi faire des efforts pour réduire leur gaspillage de nourriture, qui s'avère beaucoup plus coûteux que l'inflation.

Un rapport d'un groupe de défense de l'industrie des aliments et des breuvages, la Provision Coalition, citant des données de Statistique Canada, estime que le ménage moyen au Canada gaspille la valeur de 1500$ de nourriture chaque année.

«Nous gaspillons (...) de la nourriture parce que nous ne l'utilisons pas, et cela pourrit dans le réfrigérateur, ou nous oublions que nous avons quelque chose dans le réfrigérateur, ou nous n'utilisons pas nos restes, ou nous jetons quelque chose aux poubelles parce que le produit a atteint la date d'expiration», a souligné M. Stewart.

«Je crois que de devenir conscientisés sur notre nourriture, et de ne pas gaspiller est aussi important, afin de bien utiliser ce budget d'épicerie», a-t-il poursuivi.