Certaines clauses du Partenariat transpacifique (PTP) à l'égard du secteur laitier canadien pourraient avoir un effet plus néfaste qu'anticipé à long terme, estime un spécialiste du secteur agricole.

En plus du lait, l'accord de libre-échange permettra l'arrivée d'un plus grand nombre de produits comme le yogourt, la crème glacée ainsi que divers types de fromages, a souligné vendredi le professeur Sylvain Charlebois du Food Institute de l'Université de Guelph.

«Il n'y a pas de problème du côté des oeufs et de la volaille, a-t-il affirmé en entrevue téléphonique depuis l'Autriche. C'est dans le lait où les choses sont un peu plus mêlantes. Il y a 12 ou 13 catégories de produits.»

M. Charlebois a analysé les quelque 1000 pages du texte de l'entente diffusée la veille par certains gouvernements signataires.

Il s'est notamment demandé si les impacts à long terme d'une arrivée plus importante de ces produits laitiers sur la production canadienne avaient été suffisamment évalués.

«Pour produire un kilo de mozzarella, on a besoin de huit litres de lait, a expliqué M. Charlebois. Si on permet par exemple l'importation de 5000 tonnes métriques de mozzarella, cela veut donc dire qu'on n'a plus besoin de 40 000 litres de lait.»

Advenant la ratification du PTP, le Canada fera des concessions dans son système de la gestion de l'offre en offrant l'accès à 3,25 % de son secteur laitier, 2,3 % du marché des oeufs et 2,1 % de celui du poulet.

Les exportations de lait des 11 autres pays impliqués devraient remplacer 250 millions de litres de lait canadien. Cela s'ajoutera aux 17 700 tonnes supplémentaires de fromage qui feront leur arrivée au Canada dans le cadre de l'entente de libre-échange avec l'Union européenne.

M. Charlebois souligne qu'en ce qui a trait au PTP, ses calculs font état d'une brèche de quatre pour cent dans le secteur laitier sur cinq ans, ce qui, à son avis, est non négligeable.

«Cela peut paraître minime pour la plupart des gens, mais quand on crée une brèche dans la gestion de l'offre, on remet en question plusieurs aspects du système agricole canadien», affirme-t-il.

De plus, rien ne semble clairement indiquer que les importations de protéines de lait - utilisées par de nombreux transformateurs -seront encadrées. Cet enjeu préoccupe les producteurs laitiers depuis longtemps.

Le professeur reconnaît qu'un programme de compensation doté d'une enveloppe de 4,3 milliards sur 15 ans été évoqué en campagne électorale, mais il ajoute que le gouvernement Trudeau devra répondre à plusieurs questions sur le sujet.

«On ne sait pas à qui l'argent sera octroyé, observe M. Charlebois. Aussi, qui va gérer les programmes de compensation?»

À l'Union des producteurs agricoles (UPA) et chez les Producteurs de lait du Québec, on dit poursuivre l'étude du volumineux document de plus de 1000 pages au lendemain de sa diffusion.

Pour l'instant, les deux organisations ont dit ne pas avoir constaté de mauvaises surprises en ce qui a trait à la gestion de l'offre, ajoutant que l'étude du texte n'était pas terminée.

«Le texte est volumineux et souvent, là-dedans, le diable est dans les détails, a affirmé le porte-parole des Producteurs de lait du Québec, François Dumontier. On espère pouvoir avoir des contacts avec le gouvernement (fédéral) pour répondre à nos questions.»

Le PTP prévoit la création d'une zone de libre-échange de 12 pays, dont le Canada, les États-Unis, l'Australie et le Japon, mais pas la Chine. Elle regroupera près de 800 millions de personnes en plus de représenter 40 % de l'économie mondiale.

Saputo [[|ticker sym='T.SAP'|]], le plus important transformateur laitier au pays, a dit, jeudi, en dévoilant ses résultats du deuxième trimestre, s'attendre à ce que la ratification de l'accord puisse prendre jusqu'à deux ans. La mise en oeuvre devrait ensuite s'étaler sur cinq ans.

La nouvelle ministre du Commerce international, Chrystia Freeland, a également promis que le PTP sera soumis à la consultation des Canadiens, sur Internet, et qu'il fera l'objet d'un débat aux Communes.