Bien qu'il admette que son entreprise a largement bénéficié du système de gestion de l'offre qui régit la production laitière au Canada, le PDG de Saputo estime que les activités canadiennes du groupe pourraient continuer de se développer de façon normale dans un marché totalement libéralisé.

Lino Saputo Jr a dû répondre à une seule question de la part des nombreux actionnaires de l'entreprise qui assistaient hier à l'assemblée annuelle de Saputo.

Et la préoccupation de cet actionnaire - qui voulait connaître les incidences de la conclusion d'un accord de libre-échange transpacifique sur les affaires de Saputo - présageait des nombreuses questions que les journalistes allaient poser, quelques minutes plus tard, au PDG de la plus importante entreprise de transformation laitière du Canada.

À son actionnaire et aux journalistes par la suite, Lino Saputo Jr a d'abord précisé que son groupe ne faisait pas de politique, mais qu'il devait s'adapter au cadre réglementaire qui lui était imposé.

Si le Canada adhère au Partenariat transpacifique et que cela impose l'abolition du système de gestion de l'offre, Saputo va s'adapter parce qu'elle pourra utiliser ses autres plateformes industrielles aux États-Unis, en Argentine ou en Australie pour alimenter ses usines canadiennes, et inversement.

Durant des années et encore aujourd'hui, le système canadien de gestion de l'offre a permis à Saputo de profiter d'un environnement de prix stable et prévisible, ce qui n'est pas le cas dans les autres marchés où elle exploite des usines de transformation laitière.

Mais les prix élevés du lait canadien ont aussi leur inconvénient, comme vient de le démontrer le dernier accord de libre-échange Canada-Union européenne qui va ouvrir les frontières canadiennes à 17 000 kilos de fromages spécialisés additionnels aux 20 000 kilos qui sont déjà importés annuellement.

La réponse logique à ce dumping européen aurait été que les producteurs canadiens de fromage exportent un tonnage équivalent, mais les prix trop élevés du lait canadien empêchent toute forme de réplique commerciale.

«Le lait est moitié moins cher aux États-Unis. Si les producteurs de lait canadiens perdent leur système de gestion de l'offre, ils devront devenir plus concurrentiels», expose Lino Saputo Jr.

Saputo pourrait toutefois y gagner en termes de logistique puisque l'entreprise pourrait développer des échanges nord-sud, entre ses opérations canadiennes et américaines, plutôt que d'est en ouest comme elle le fait aujourd'hui en raison des contraintes du marché canadien.

L'expansion hors Canada se poursuivra



Ce sont d'ailleurs les contraintes du système canadien - qui ont plafonné les possibilités de croissance au pays - qui ont forcé Saputo à prendre de l'expansion aux États-Unis, en Argentine et, plus récemment, en Australie.

Cette expansion va se poursuivre. Alors que les États-Unis constituent aujourd'hui le plus important marché de Saputo, avec plus de 50% de ses volumes de production et plus de 50% de son chiffre d'affaires annuel, l'entreprise souhaite y poursuivre son expansion par voie d'acquisitions.

Lino Saputo Jr rappelle que l'entreprise a toujours plusieurs cibles d'acquisitions sur lesquelles elle travaille et qu'il y a moyen d'augmenter sa présence dans certains marchés.

«On est présentement quatrièmes en Australie. On peut penser devenir prochainement troisièmes ou même deuxièmes. On regarde toujours aussi du côté de l'Amérique du Sud, et plus particulièrement du Brésil qui est un marché qui nous intéresse depuis longtemps», explique le PDG.

Lino Saputo Jr affirme que l'entreprise a toujours évité de tomber sous le charme des modes, comme celle de vouloir aller en Chine parce qu'il y a beaucoup de monde ou penser qu'un accord de libre-échange transpacifique va soudainement ouvrir la voie à de nouveaux marchés.

Au cours des prochains trimestres, l'entreprise va surtout devoir porter une attention constante en vue de hausser son efficacité et trouver les moyens d'augmenter sa productivité.

Confrontée à un contexte où les prix internationaux des produits laitiers transformés subissent des pressions à la baisse, Saputo a observé une légère érosion de ses revenus et de sa profitabilité au premier trimestre de son exercice par rapport aux résultats de l'an dernier.

«Il faut rationaliser nos opérations, mais il n'est pas question de mises à pied - ce n'est pas notre façon de faire - ni de fermetures d'usine. Il faut seulement améliorer notre efficacité pour réduire nos coûts», a assuré Lino Saputo.

Résultats du premier trimestre 2015

Revenus (- 2,22%): 2,56 milliards

Bénéfice net (- 6,1%): 136,4 millions

Dividende trimestriel (+ 3,8%): 0,135$ par action