Transformer une poche de 50 livres de semences de moutarde en 5000 litres de carburant biologique pour les avions et 5 tonnes de protéines pour les animaux, sans nuire à la chaîne alimentaire humaine et en facilitant la vie des fermiers. Voilà le tour de force promis par Agrisoma, de Gatineau.

La jeune entreprise de technologies agricoles née à Ottawa célébrera bientôt le premier anniversaire de son déménagement à l'est de la rivière des Outaouais, motivé entre autres par l'arrivée d'un nouvel investisseur, Cycle Capital, de Montréal.

Agrisoma a développé la semence Resonance, le nom commercial qu'elle a choisi pour une variation spéciale et non modifiée génétiquement de la moutarde carinata.

De nombreuses vertus

La liste des vertus mises de l'avant par Agrisoma est longue.

Les céréaliculteurs peuvent l'employer dans leurs champs soit en rotation avec d'autres cultures, soit sur des terres en jachère, soit dans des périodes où la chaleur et la sécheresse rendent d'autres cultures difficiles. Par conséquent, cette semence ne remplace pas de cultures comestibles pour l'humain, un reproche fréquent des cultures destinées aux biocarburants.

La culture de la carinata s'effectue avec les mêmes équipements que celle des autres céréales. Les fermiers n'ont donc pas à investir davantage. Selon Agrisoma, la culture de sa semence améliore même la fertilité des sols en vue de la culture suivante. Il s'agit de la seule semence certifiée par la Table ronde sur les biomatériaux durables, un organisme établi en Suisse.

Carburant écologique

Lorsque moulue, la carinata produit une huile qui peut ensuite être convertie en biodiesel ou en biocarburant pour avions. Un premier vol a d'ailleurs déjà été effectué avec ce carburant, un aller-retour entre Ottawa et Montréal.

«Pour l'instant, ça revient plus cher que du carburant régulier, mais quand nous serons en pleine production, nous pensons être capables d'en arriver au même prix», estime le PDG d'Agrisoma, Steven Fabijanski. «On a même pu constater un gain d'efficacité d'environ 1,5%, qui reste à confirmer, dans notre vol d'essai.»

Fait important, le biocarburant ainsi produit peut être mêlé sans problème au carburant régulier.

Une fois l'huile extraite, le grain restant constitue une protéine pouvant servir à l'alimentation animale. Les 5 tonnes produites par un sac de semences de 50 livres peuvent, selon Agrisoma, nourrir 36 000 poulets ou encore suffire à produire 1700 livres de boeuf ou 3400 livres de porc.

Ouvertures de marché

Depuis les premières productions d'essai, il y a trois ans, les semences d'Agrisoma ont généré environ 20 000 acres de production dans plus de 140 fermes au Canada, aux États-Unis et en France notamment.

«On en a fait deux millions de litres de carburant et on a nourri beaucoup d'animaux!», note M. Fabijanski.

Une production floridienne, où la carinata résiste aux grands écarts de température hivernaux, a permis de générer du biocarburant présentement à l'essai par la U.S. Navy en vue d'une certification.

L'entreprise s'attend à voir une croissance très rapide de ses ventes au cours des prochaines années.

«Les fermiers fonctionnent en l'essayant sur une petite partie de leurs terres puis, si ça fonctionne, il se lancent en grande, explique M. Fabijanski. Ça peut grandir vite.»