La valeur d'une éventuelle entente est encore inconnue, mais les actions des deux entreprises n'ont pas attendu avant de s'emballer. Le titre de l'américaine Burger King Worldwide (BKW) a avancé lundi de 19,5 % à 32,40 $ US à la Bourse de New York, tandis que celui de Tim Hortons (T.THI) a grimpé de 13,25 $, soit 19,3 %, à 82,03 $ à la Bourse de Toronto.

Les deux entreprises ont confirmé qu'elles étaient en discussion et ont précisé que les deux bannières, soit Tim Hortons, établie à Oakville, en Ontario, et Burger King, établie à Miami, seraient exploitées de façon distincte.

Selon l'analyste Colin Cieszynski, de CMC Markets Canada, la réaction des marchés laisse croire que les investisseurs voient le regroupement d'un bon oeil, notant que de telles propositions «doivent habituellement être assez convaincantes pour que les deux actions se mettent à grimper».

«Les gens misent sur deux choses. La première est la prime que Burger King sera prête à allonger, et la deuxième est la possibilité que d'autres acheteurs se présentent», a-t-il expliqué.

Malgré le sentiment de patriotisme que plusieurs Canadiens ressentent en buvant leur tasse de café Tim Hortons, la société a déjà appartenu à une grande chaîne américaine par le passé. Elle a été essaimée par la chaîne de restauration rapide Wendy's en 2006, avant de s'inscrire à la Bourse de Toronto.

Vaste révision des activités

Même si Tim Hortons domine le marché canadien des cafés, la société a eu de la difficulté à percer aux États-Unis, et elle doit s'adapter ces dernières années à la concurrence accrue de la part de ses rivales américaines Starbucks et McDonald's.

Lorsque le chef de la direction de Tim Hortons, Marc Caira - un ancien dirigeant des activités mondiales du géant alimentaire suisse Nestlé - a pris les rênes de la chaîne de cafés l'an dernier, il a entamé une révision de toutes ses activités.

Tim Hortons a depuis lancé un vaste programme sur ses priorités et sur les façons dont elle pourrait améliorer sa réputation, tant auprès des clients canadiens que ceux à l'international. La chaîne a en outre ajouté des items à son menu pour faire grimper ses ventes au déjeuner et au dîner.

En se joignant à un partenaire comme Burger King, la société canadienne pourrait vraisemblablement créer une structure à faibles coûts pour mettre à jour son expansion aux États-Unis, ce qui procurerait de meilleurs rendements aux franchisés et représenterait une option plus attrayante.

Dans une note à ses clients, l'analyste Keith Howlett, de Valeurs mobilières Desjardins, a qualifié l'éventuelle fusion de «surprise», faisant remarquer qu'«un élément clé serait l'utilisation de la présence de Burger King dans 98 pays pour accélérer l'expansion de Tim Hortons dans les marchés internationaux».

«Inversion fiscale»

Dans l'éventualité où les deux entreprises regrouperaient leurs activités, la nouvelle société serait établie au Canada, principalement parce que l'environnement fiscal serait plus avantageux pour la chaîne de restauration rapide américaine.

Burger King pourrait ainsi réduire ses frais en impôts au terme de l'opération, que certains appellent «inversion fiscale». Cette stratégie gagne en popularité auprès des sociétés américaines qui tentent de réduire leurs coûts.

Dans une telle inversion, une société américaine procède à une réorganisation dans un pays où le taux d'imposition est plus faible en rachetant ou en fusionnant avec une société qui y réside déjà. Les inversions permettent à la société de transférer l'argent gagné à l'étranger à leur société mère sans payer d'impôts additionnels aux États-Unis. Cet argent peut être réinvesti dans la société ou utilisé pour financer des dividendes ou des rachats d'actions, entre autres choses.

Des compagnies comme la pharmaceutique AbbVie, dont le siège social se trouve en banlieue de Chicago, se sont mariées à des sociétés à l'étranger pour profiter de ce genre de réduction d'impôts.

Plus récemment, la chaîne de pharmacies Walgreen a abandonné un projet d'inversion fiscale en raison de la forte pression externe, cette stratégie devenant de plus en plus controversée dans le milieu politique américain.

La simple éventualité d'une entente entre Burger King et Tim Hortons montre toutefois combien les choses ont changé au Canada au chapitre de la fiscalité.

«Je ne crois pas qu'on aurait considéré le Canada comme un paradis fiscal il y 10 ou 20 ans. C'était le contraire, tout le monde voulait partir», a observé M. Cieszynski.

L'actionnaire majoritaire de Burger King, 3G Capital, continuerait de détenir la majorité des actions de la nouvelle entreprise et les parts restantes iraient aux actionnaires actuels de Tim Hortons et Burger King.

La nouvelle société posséderait plus de 18 000 restaurants dans 100 pays à travers le monde et deviendrait la troisième plus grande entreprise de restauration rapide au monde, avec un chiffre d'affaires d'environ 22 milliards de dollars US, selon Burger King et Tim Hortons.

Les deux entreprises ont indiqué qu'elles ne commenteraient pas davantage la situation à moins qu'une entente soit conclue ou que les négociations soient abandonnées.