Les éleveurs de bétail canadiens étaient en Cour d'appel américaine, lundi, pour contester les normes fédérales d'étiquetage qui auraient fortement nui à leurs exportations aux États-Unis.

L'affaire tourne autour de la liberté d'expression garantie par le fameux Premier Amendement, l'une des dispositions les plus sacrosaintes de la Constitution américaine. Des producteurs canadiens et mexicains - et leurs partenaires américains à qui ils vendent leur viande - affirment que cette liberté d'expression est violée par l'obligation d'indiquer le pays d'origine sur les emballages en magasins.

Selon eux, cette obligation est non seulement coûteuse d'un point de vue logistique, mais le gouvernement américain les force ainsi à divulguer des informations pour des raisons illégitimes - ce qui, disent-ils, viole le Premier Amendement.

Plusieurs parties sont concernées dans cette affaire, qui est défendue, du côté des opposants à l'étiquetage, par une avocate de l'American Meat Institute (AMI). De l'autre côté, les partisans des normes sont épaulés par des avocats du gouvernement américain.

Au dire de l'avocate de l'AMI, ces règles ne sont finalement que du protectionnisme pur et simple, déguisé en tentative d'aider les consommateurs à retracer l'origine de leurs aliments. Elle affirme que l'initiative ne correspond pas à la jurisprudence établie à la suite de précédentes poursuites concernant la divulgation d'informations commerciales.

Pour Me Catherine Stetson, les partisans de l'étiquetage veulent favoriser de la viande «née, élevée et traitée» aux États-Unis.

Les avocats des deux parties ont été interrogés par 11 juges de la Cour d'appel des États-Unis à Washington. Puis, dans un revirement-surprise, la cour a déclaré le mois dernier qu'elle entendrait la cause, annulant du même coup une décision rendue quelques jours auparavant seulement, qui rejetait la demande d'une injonction contre les règles d'étiquetage.

L'insistance des États-Unis sur ce nouvel étiquetage, mis sur pied en 2002 et imposé depuis 2008, est blâmée pour avoir réduit de moitié les exportations de viande canadienne chez nos voisins du Sud. Les dispositions sont combattues par divers éléments de l'industrie américaine de la viande, mais soutenues par certains éleveurs installés près de la frontière, qui font concurrence aux Canadiens et aux Mexicains, et par leurs alliés au Congrès.

Ces règles sont également contestées devant l'Organisation mondiale du commerce.

Un avocat du gouvernement américain nie que les règles aient été conçues à des fins protectionnistes. «Elles permettent aux consommateurs de mieux agir en fonction de leurs préférences», affirme Daniel Tenny, du département de la Justice. «Nous ne tentons pas directement d'aider les éleveurs américains (...) bien que cela puisse avoir cet effet.»

Cet avocat a d'ailleurs été quelque peu malmené par un juge nommé par George W. Bush. Brett Kavanaugh a demandé plusieurs fois à l'avocat d'expliquer comment les règles aidaient les consommateurs. Le magistrat a laissé entendre que la jurisprudence en la matière porte à croire que le gouvernement ne peut forcer des compagnies à dire quelque chose, sauf en trois circonstances: pour protéger la santé publique, pour assurer la sécurité, et pour empêcher que les consommateurs ne soient bernés.

Pour le juge Kavanaugh, les règles d'étiquetage ne respectent pas ces dispositions, mais ont plutôt d'autres buts. «C'est un biais contre les éleveurs canadiens et mexicains, a-t-il dit. Il s'agit d'une démarche protectionniste traditionnelle. Quelle est la différence?»

Plus tard durant l'audience, il a ajouté: «Le message implicite est d'acheter américain».