Le ministre de l'Agriculture, Pierre Paradis, s'entretiendra avec son homologue fédéral, Gerry Ritz, mardi, à propos notamment du fromage et de l'exportation de viande, des enjeux délicats à régler dans la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne.

En entrevue à La Presse Canadienne, lundi, M. Paradis a préféré rester prudent et n'a pas osé parler de déblocage et de «dénouements», comme l'avait laissé entendre l'Union des producteurs agricoles (UPA) récemment, sur la foi de certains renseignements.

La question du fromage est un des principaux obstacles à régler dans la mise en oeuvre de l'éventuel accord de libre-échange. En effet, en vertu de l'entente de principe signée en 2013, les pays européens pourront exporter plus de 17 000 tonnes de fromage supplémentaires au Canada. Les producteurs européens sont généreusement subventionnés, ce qui fait craindre le pire aux fromagers du Québec, qui produisent 60 pour cent des fromages fins au pays. Les parties avaient donc convenu de clarifier cet enjeu avant de soumettre le texte à la ratification.

Or, M. Paradis dit avoir «assez d'échos» pour savoir que ce n'est toujours pas réglé. «J'ai été prudent là-dedans», a commenté M. Paradis en entrevue téléphonique.

Il a rappelé que les seuls qui sont attitrés à négocier sont le gouvernement fédéral et le ministère du Commerce extérieur. Au premier chef le bureau du premier ministre Stephen Harper est informé, ensuite le bureau de M. Ritz, et après, «cela descend chez nous, les victimes», a dit ironiquement M. Paradis.

«Si cela ne vient pas du bureau de M. Harper, cela ne vient pas de la bouche du cheval», a-t-il déclaré. Selon lui, l'UPA a des sources «diversifiées» pour l'informer, mais les informations peuvent aussi être contradictoires.

Mardi, il entend être mis au parfum des négociations au cours d'un entretien téléphonique avec M. Ritz, pour avoir un protrait précis de la situation, mais aussi tenter de faire valoir la position du Québec et de ses agriculteurs.

«On ne veut pas juste être au parfum, on parle même de modifier les fragrances, que ce soit respirable!» a-t-il imagé.

Selon l'UPA, le raz-de-marée de fromages européens sur le marché canadien ferait perdre 450 millions $ par année aux producteurs d'ici. Le syndicat des producteurs agricoles québécois exige donc des compensations du gouvernement fédéral, ainsi que l'étalement, sur le plus grand nombre d'années possible, de l'afflux des fromages européens.

Si la concurrence européenne accrue peut en effet être difficile à encaisser, M. Paradis mise toutefois sur d'autres marchés pour que le fromage québécois y fasse des gains. Mais il n'a pas voulu élaborer davantage sur la place publique et entend en discuter avec les producteurs.

Le précédent gouvernement Marois avait déjà affirmé que l'Assemblée nationale n'allait pas ratifier l'accord de libre-échange si Ottawa ne s'entendait pas avec les fromagers québécois sur l'indemnisation à verser.

Pour sa part, Ottawa s'est déjà engagé à mettre sur pied un programme de compensation, sans toutefois le chiffrer, mais estime que l'arrivée massive des fromages européens aura des conséquences minimes, en raison de la croissance du marché du fromage au Canada.

Un autre enjeu des négociations reste en suspens: l'exportation de viande canadienne vers l'Union européenne. L'accès élargi au marché canadien du fromage avait en effet été accordé en échange d'un accès élargi au marché européen de la viande. L'UE avait accepté de renoncer aux permis d'importation qu'elle accordait, une sorte de mesure de contrôle utilisée comme une barrière à l'importation. Or les Européens auraient ramené sur la table les permis d'importation.

Selon l'organisme Canadian Cattlemen's Association, qui représente des producteurs de viande canadiens, rien n'est encore résolu, mais les discussions avancent.

«Ça avance dans la bonne direction», selon les plus récentes informations obtenues par le porte-parole de l'organisme, John Masswohl, qui ne peut toutefois donner un horizon de temps pour en venir à une entente finale.

«Il y a encore beaucoup de détails techniques à régler», a-t-il souligné dans une entrevue téléphonique.

À ses yeux, la question des permis d'importation n'est pas un problème en soi, ils peuvent être autant une aide qu'un obstacle au commerce, selon la manière dont ils sont administrés.

«Nous voulons nous assurer que ce soit une aide, pas un obstacle», a-t-il résumé.