Lancée en grande pompe il y a un an, l'eau d'érable embouteillée n'a pas encore réussi à trouver sa place dans le panier d'épicerie de la majorité des Québécois, mais les acteurs de l'industrie ne désespèrent pas et augmentent la cadence de production.

Depuis dix ans, plusieurs millions de dollars ont été investis dans le développement de ce produit, afin de trouver les meilleures méthodes permettant de récupérer, de traiter et de distribuer à grande échelle l'eau sucrée qui s'écoule lentement des érables de nos forêts.

«Même si c'est de l'eau d'érable, c'est un produit très complexe à développer. Entre 2 et 3 millions $ ont été investis par notre organisation et par le gouvernement dans la recherche et le développement. Nous croyons énormément en ce produit», soutient Paul Rouillard, directeur adjoint de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec.

En entrevue à La Presse Canadienne, il révèle qu'environ un million de litres d'eau d'érable seront distribués sur le marché cette année. C'est trois fois plus qu'en 2013.

Trois entreprises, Maple3, Oviva et Seva, ont obtenu le mandat de commercialiser et faire connaître l'eau d'érable aux consommateurs d'ici et de par le monde.

«Nous avons de l'eau d'érable depuis toujours dans nos forêts, mais bien des gens n'ont jamais goûté à ça! Il fallait juste penser à la rendre accessible et à l'offrir en épicerie», explique Stéphane Nolet, de l'entreprise Maple3, dont la famille pratique l'acériculture depuis quatre générations.

Les trois entreprises qui distribuent l'eau d'érable se font discrètes sur les ventes effectuées depuis le lancement du produit, mais admettent qu'un énorme travail reste à faire pour le faire connaître de la population.

«Nous partons de zéro. Il faut faire découvrir l'eau d'érable et donner des raisons aux consommateurs de choisir notre produit plutôt qu'un jus ou un autre breuvage», soutient Denis Normandin, président de Seva.

Faire connaître l'eau d'érable

Le propriétaire d'Oviva, François St-Amour, tient à être présent en épicerie pour la faire goûter aux consommateurs québécois. Il tire plusieurs enseignements des rencontres qu'il a eues avec la clientèle au cours des derniers mois.

«On réalise que lancer de l'eau d'érable n'est pas comme lancer une nouvelle sorte de beurre d'arachide. Plusieurs personnes ne savent même pas que l'eau d'érable vient des arbres, donc on part de très loin!», observe-t-il. Pour convaincre les clients de se procurer le nouveau produit, il dit miser sur ses propriétés toutes naturelles.

Les recherches effectuées par la Fédération des producteurs acéricoles concluent, en effet, que l'eau d'érable contient plus de 46 composés nutritifs, dont un vaste éventail de vitamines et minéraux, d'acides aminés et de polyphénols. Cette eau végétale ne renferme que 25 calories par 250 ml, ajoute-t-on.

Selon Stéphane Nolet, il faut cependant poursuivre les recherches pour encore davantage connaître le pedigree de ce nouveau produit.

«L'eau d'érable a plusieurs propriétés, mais on ne peut pas aller compétitionner Gaterode ou Redbull avec une eau qui vient de l'érable. Elle est désaltérante et peut être utilisée dans les cocktails ou dans des recettes, mais il faut continuer à l'étudier pour connaître ses autres qualités», insiste-t-il.

L'eau d'érable a-t-elle le potentiel de devenir aussi populaire que l'eau de coco, dont les ventes ont explosé au cours de la dernière décennie?

«L'eau de coco, ça a pris 15 ans avant de devenir une mode et, aujourd'hui, les produits offerts sont surtout faits de concentré. De notre côté, nous voulons conserver un produit entièrement naturel, qui n'est pas fait de concentré. Avec une telle stratégie, on croit que nous avons le potentiel de devenir «trendy'», insiste M. Normandin.

Nouvelle avenue

Si le produit réussit à prendre sa place dans le marché fort compétitif des breuvages, la production de l'eau d'érable pourrait constituer une nouvelle avenue pour l'industrie acéricole.

Selon les acteurs de cette industrie naissante, les acériculteurs pourraient diversifier leur offre et rentabiliser encore davantage la production toute naturelle des érables.

«Actuellement, quelqu'un qui veut lancer une érablière ne peut pas avoir de quotas de vente de sirop d'érable. Il va donc avoir de la difficulté à rentabiliser son projet, car il ne pourra que vendre son sirop au coin de la rue, soit directement aux particuliers. Dans les prochaines années, on pourrait imaginer des érablières qui produisent seulement pour le marché de l'eau d'érable», confie François St-Amour.

L'eau d'érable est vendue au Québec en contenant d'un litre pour environ 6 $, mais le produit fait aussi tranquillement son chemin ailleurs dans le monde.

«Nous la commercialisons déjà à travers le Canada et depuis peu aux États-Unis et dans certains pays européens. Mais avant de conquérir un marché à très grand volume, il va falloir du temps. Il faut être réaliste, c'est un méga-travail», fait savoir M. Normandin.

Les trois producteurs de l'eau d'érable soutiennent que le prix du breuvage restera stable au cours des prochains mois, même si la production doit augmenter. Il s'agit d'un produit «de luxe», explique M. Normadin, alors que l'eau d'érable ne coule que quelques semaines par année et que cet effet de rareté influence les prix à la hausse.