Pour sauver les fermes porcines indépendantes, Québec n'a pas à sortir encore une fois son chéquier, plaide le Syndicat des producteurs de porcs de Lanaudière. Il suffit de redistribuer l'aide offerte aux barons du cochon.

Plus de 400 millions ont été versés, en 2012, dans le programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) du secteur porcin. Cette cagnotte vise à garantir aux agriculteurs un prix par porc suffisant pour couvrir les coûts de production dans une ferme type, vendant 4264 porcs par année. Produire des cochons à meilleur prix que le modèle - grâce aux économies d'échelle, par exemple - permet de tirer un profit.

«Comme c'est un programme qui donne un paiement par tête, il y a de gros producteurs qui font énormément d'argent avec l'ASRA», note Bruno Larue, professeur au département d'économie agroalimentaire de l'Université Laval. Il s'agit d'une mesure régressive, «puisque pour aider un peu les plus pauvres, il faut aider beaucoup les plus riches», déplore l'expert. Solution: fixer un montant maximal d'aide par ferme, suggère-t-il.

Le problème est plus pernicieux encore, selon Claude Laflamme, secrétaire du Syndicat des producteurs de porcs de Lanaudière. «Les intégrateurs sont surcompensés pour des frais qu'ils n'ont pas payés», dénonce-t-il.Explication: l'ASRA estime que la ferme type dépense 39,48$ par porc en divers frais (électricité, carburant, entretien, main-d'oeuvre, assurances, etc.).

Même si les intégrateurs ne règlent pas ces factures - payées par les fermiers qui élèvent leurs cochons à forfait - ils ont droit à la compensation de 39,48$ par porc, en tant que propriétaires des animaux.

En retour, les intégrateurs paient les éleveurs à forfait pour leur travail. Mais le prix des contrats est loin d'atteindre 39,48$: il varie de 16$ à 22$ par porc, selon l'hebdomadaire agricole La Terre de chez nous. La somme économisée va dans les poches des intégrateurs, «qui sont en croissance alors que les indépendants disparaissent», souligne M. Laflamme.

Punir les meilleurs

Il n'y a pas d'iniquité, plaide au contraire Luc Ménard, dont la famille produit 15% des porcs du Québec. «Le ménage a déjà été fait», rappelle-t-il.

Depuis 2010, les gros producteurs paient la moitié de la prime d'ASRA, tandis que les petits ne paient que le tiers, le reste étant payé par l'état. «Les cochons qui viennent de l'Ontario ne sont plus assurés, ajoute-t-il. Beaucoup de choses ont changé.»

Punir les meilleurs producteurs de porcs en leur coupant les vivres enverrait un drôle de message, observe Michel Morisset, aussi professeur à l'Université Laval. «Le système a été fait pour qu'il y ait toujours un aiguillon servant à stimuler la productivité», fait-il valoir.