Aliments Ultima ne fait pas les choses à moitié avec le lancement de sa gamme de yogourts iögo. Au prix d'un investissement de 70 millions de dollars, l'entreprise appartenant en partie à Agropur lance une gamme complète de yogourts pour l'ensemble du Canada. Une offensive rarement vue sur nos tablettes d'épicerie.

«En plus de 40 ans dans le domaine agroalimentaire, je n'ai jamais vu dans ma carrière un lancement de cette importance au Canada. C'est énorme comme lancement», dit, enthousiaste, Gerry J. Doutre, président et chef de la direction d'Aliments Ultima, en entrevue à La Presse Affaires.

«Je n'en ai pas vu beaucoup de cette ampleur», renchérit Jean-Claude Dufour, professeur à la faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.

Attaque de front

Quinze mois de recherche, 4000 entrevues avec les consommateurs, nouvelle marque, nouveau nom, nouveau design, 40 saveurs - de la crème caramel à la tarte au citron -, 44 produits, des recettes sans gélatine, des emballages pratiques et innovants; c'est clair qu'Ultima attaque de front le marché du yogourt.

Ce n'est pas que le monde du yogourt lui soit étranger, au contraire: Ultima fabrique et commercialise les yogourts Yoplait au Canada depuis 40 ans. Maintenant propriété de General Mills à 51%, Yoplait a renouvelé avec Ultima en mai dernier le contrat de fabrication pour six autres années. Toutefois, la société américano-française a voulu récupérer sa commercialisation et en échange, Ultima produira sa propre marque.

C'est comme si la consolidation de l'industrie - la québécoise Liberté a été achetée par Yoplait et aurait bien aimé que son usine de Saint-Hyacinthe hérite du contrat des Yoplait - a fait réaliser à Ultima sa vulnérabilité à l'égard de son partenaire et l'a convaincu de lancer illico sa propre marque.

«Avec la marque iögo, on est plus en contrôle de notre destinée. Je suis très fier que nos actionnaires aient opté pour une vision à long terme», explique M. Doutre.

Les actionnaires d'Ultima, les coopératives Agropur et Agrifoods consacrent en effet des sommes considérables pour rendre les nouveaux produits disponibles partout au pays en quelques semaines. Compte tenu de ce que coûte l'espace tablette en supermarché, l'arrivée massive d'un nouveau venu dans les frigos n'a pas dû se faire en criant iögo.

Le marché du yogourt croît de 2 à 3% au Canada annuellement. Le gros de la croissance se concentre dans le segment du yogourt grec, avec un taux de croissance annuelle dans les trois chiffres. Chaque Canadien consomme en moyenne 8,7 kilos de yaourt par année. En 1971, aux débuts d'Ultima, le Canadien en mangeait moins de 500 grammes par année.

Tout un défi, dans une économie chancelante

Ultima souhaite que l'arrivée des iögo augmente la consommation de 5 à 6%, par année, plutôt que 2 à 3% actuellement. «C'est beaucoup demandé, pense pour sa part le professeur Dufour. Ils font face à un très gros défi, surtout dans un contexte économique chancelant. Je suis surpris de l'arrivée d'un nouveau joueur. On est beaucoup dans un marché de remplacement au Canada.»

Le marché canadien du yogourt est dominé par trois acteurs étrangers, principalement français: Yoplait, Danone et Parmalat.

Sur les 70 millions budgétés, Ultima a investi 10 millions dans son usine de Granby. La capacité de production passe de 115 millions de kilos à 130 millions de kilos. Environ 30 personnes seront ou ont été embauchées. Ultima vend pour 330 millions de dollars par année et compte 750 employés dans ses installations de Longueuil, Granby et de Colombie-Britannique.