Faut-il subventionner le porc mangé par les Japonais, les Américains et les Russes, les trois principaux marchés d'exportation du porc du Québec? Les ventes de porc québécois à l'étranger ont rapporté 1,13 milliard en 2011, en hausse de 22,4% par rapport à l'année précédente. C'est - de loin - la plus importante exportation agroalimentaire de la province.

> En graphique: les exportations québécoises de porc

Or, «les contribuables québécois paient pour exporter ce porc, même si une bonne partie est payée par les producteurs eux-mêmes», a observé Sylvain Charlebois, doyen par intérim du collège de management et d'études économiques de l'Université de Guelph, en Ontario. «Si j'étais un contribuable québécois, ça me poserait un problème.»

Les producteurs de porc du Québec ont touché 154 millions du programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) en 2010. C'est largement moins qu'en 2008, lorsque 568 millions avaient dû être versés aux producteurs, qui comptaient 24 000 truies reproductrices de plus.

Québec paie les deux tiers des primes, les producteurs le dernier tiers, sauf pour les grands producteurs à qui on facture la moitié de la note. Cette assurance «vise à compenser la différence entre le prix de vente du porc et le prix qu'il coûte à produire, tel qu'établi dans une ferme type», a expliqué Mélanie Fiset, porte-parole de la Financière agricole.

Porc vendu à perte

Le porc du Québec est recherché, mais acheté au prix courant international, insuffisant pour couvrir les frais. D'où la crise vécue par l'industrie au cours des dernières années, due notamment à la force du dollar canadien et à la hausse du prix du maïs-grain dont se nourrissent les cochons.

Continuer d'exporter est néanmoins «fondamental», selon Michel Morisset, professeur d'agroéconomie à l'Université Laval. «Dans le porc et les produits laitiers, nous produisons le double de notre consommation, a-t-il souligné. Sans ces ventes à l'étranger, ces secteurs ne survivraient pas.»

Les Québécois font le porc à meilleur coût du monde, «après les Américains et les Brésiliens, a estimé M. Morisset. La dernière crise a été vécue par tout le monde. Décider sur ce fait d'arrêter d'exporter serait une mauvaise décision».

Beaucoup d'emplois en jeu

«Comme citoyen, on peut se dire: enfin, une production dite polluante va diminuer, a ajouté Daniel-Mercier Gouin, aussi professeur d'agroéconomie à l'Université Laval. Mais il y a une perspective qu'on néglige: le nombre d'emplois dans l'industrie de la transformation liés à la production porcine.»

Comparaison intéressante: le contrat du métro de Montréal, accordé à l'usine Bombardier de La Pocatière en recourant à une loi spéciale, créera 200 emplois, selon les dernières estimations. Tout près, à Saint-Alexandre-de-Kamouraska, l'usine d'abattage et de transformation du porc Asta compte... 450 employés.

«On a fait évaluer les recettes fiscales liées à l'industrie, et elles sont plus grandes que le soutien accordé, a soutenu David Boissonneault, président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec. Dans tous les autres grands pays, l'agriculture est soutenue.»

L'ampleur des compensations accordées en 2011 n'est pas encore connue. «Il y a eu une légère diminution, parce que les prix du porc se sont maintenus, a indiqué Mme Fiset. Mais ça reste des sommes importantes.»

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PLUS DE 60% DE LA PRODUCTION DE PORC DU QUÉBEC EST EXPORTÉE

En hausse:

vers la Russie: +111,7%

vers la Corée du Sud: +55,5%

vers la Chine et Hong Kong: +40,5%

En baisse:

vers les États-Unis: -9,1%

vers le Japon: -1,2%

Sources: Porc Québec, Centre de développement du porc du Québec et Statistique CanadaNote : Volume des exportations québécoises de viande et de produits du porc en tonnes,comparaison entre 2010 et 2011.