Lorsqu'ils ont appris que les grands cigarettiers allaient cesser de s'approvisionner chez eux, une dizaine de tabaculteurs se sont lancés presque à l'aveugle dans la culture du chanvre. Au terme de près de sept ans d'efforts, ils voient enfin arriver le jour où sera commercialisé le fruit de leur travail.

«C'est une plante méconnue qui a un potentiel incroyable. Le rêve serait d'en faire la nouvelle marque de commerce de Lanaudière», dit le président de la Coop Lanaufibres et ancien producteur de tabac, Christian Boisjoly.

Depuis plusieurs années maintenant, ses collègues agriculteurs et lui, regroupés en coopérative, s'efforcent de faire pousser la meilleure qualité de chanvre (sans THC) possible et d'en faire mousser la réputation au Québec, au Canada et même aux États-Unis.

Ils se sont mis à la culture de cette plante encore controversée après avoir obtenu les résultats d'une étude commandée au milieu des années 2000 par le gouvernement pour aider les tabaculteurs à se tourner vers de nouveaux produits. Sur la liste: framboises, bleuets, oignons, asperges, melons et... chanvre. «On a d'abord pensé aux fruits et légumes», dit M. Boisjoly, qui a lui-même donné dans le melon. «Mais si c'est une chose de les cultiver, c'en est une autre de les mettre en marché.»

Les ex-tabaculteurs ont donc commencé à expérimenter avec le chanvre, lui réservant des parcelles de leurs terres pour savoir à quelle profondeur le semer et quel type d'engrais lui donner. Christian Boisjoly s'est même rendu en Europe pour voir comment on s'y prenait. Aujourd'hui, le groupe produit 125 acres, répartis sur plusieurs fermes, qui donnent 85 000 livres de grain et 500 tonnes de paille.

«Le problème, c'est que le chanvre à l'état brut, ça ne vaut presque rien. C'est une fois transformé que ça se vend cher», explique le cultivateur. Ses confrères et lui se sont donc associés à un organisme local consacré à la valorisation du chanvre, Lanaupôle Fibres, pour en faire la transformation avant de l'exporter hors de la région.

«On est encore à l'étape de l'expérimentation. On a des prototypes de papiers, de bioplastique et de plusieurs autres choses. Maintenant, ce qu'il nous faut, c'est du volume et des clients.» Déjà, la coop fait dans l'alimentaire. Ses noix, son huile et sa farine se retrouvent sur les tablettes de commerces de plus en plus nombreux.

«Tout ça tient encore par la peau des dents, mais bon. On va dans la bonne direction», conclut Christian Boisjoly.