Mettre sous tutelle la Fédération des producteurs de bovins (FPBQ): c'est ce qu'Union paysanne demande à la Régie des marchés agricoles, afin de «remettre de l'ordre dans le cafouillis» créé par l'achat de l'abattoir Levinoff-Colbex, a appris La Presse. La faillite de cet abattoir pourrait être annoncée dès demain, selon un groupe de producteurs de bovins opposés à cette transaction, qui s'est révélée coûteuse et malheureuse.

La FPBQ admet avoir déjà investi 36 millions dans cet abattoir de bovins de réforme de Saint-Cyrille-de-Wendover, seul d'importance dans l'est du Canada. Acheté en 2006 aux frères Cola, qui en étaient toujours les gestionnaires jusqu'à récemment, l'établissement est déficitaire. Depuis 2010, c'est Québec qui assure sa survie, en garantissant une marge de crédit de 10 millions.

«Il y a deux possibilités: la faillite de l'abattoir ou un réinvestissement d'argent du gouvernement, a expliqué hier Benoit Girouard, président d'Union paysanne. C'est un îlot Voyageur agricole. Nous demandons aux ministres Pierre Corbeil et Sam Hamad de mettre leurs culottes et d'assurer aux producteurs qu'ils n'auront pas à payer davantage.»

Union paysanne réclame aussi la tutelle de la FPBQ à l'égard du programme de frais partagés qu'elle gère, afin de protéger les intérêts des producteurs de bovins. Cela s'est déjà fait, en 2008, avec le syndicat des producteurs de lapins.

Démission du président

Une assemblée générale extraordinaire aura lieu mardi prochain à Québec, afin de faire le point sur la situation de l'abattoir avec les producteurs, a indiqué Sonia Dumont, porte-parole de la FPBQ. Il est à noter que Michel Dessureault, président de la FPBQ, a démissionné le 20 mars.

L'abattoir déclarera-t-il faillite, comme le veulent les rumeurs? «Comme vous le dites, ce sont des rumeurs», a répondu Mme Dumont.

Cela inquiète Adrien Breault, président de l'Association de défense des producteurs de bovins, qui dit regrouper 800 agriculteurs opposés à la transaction. «On craint qu'ils préparent une mise en scène, pour nous annoncer la faillite ou une réorganisation en coopérative, a-t-il dit. On sait qu'ils sont dans une impasse.» Pressenti pour acheter Levinoff-Colbex, Olymel y a renoncé en février, car il a jugé l'investissement trop risqué, selon Le Soleil.

«On demande que le gouvernement prenne en charge la dette et la nouvelle entité», a indiqué M. Breault. L'Association de défense des producteurs a aussi déposé une requête en annulation du dossier, qui sera entendue à partir du 18 avril par la Régie des marchés agricoles.

Prêt de Québec malgré un avis défavorable

Pour que la FPBQ ait le droit d'acheter l'abattoir, la Régie avait dû accorder une exemption. «C'était une erreur, puisque la Fédération se place en conflit d'intérêts», a fait valoir M. Breault. Comme propriétaire d'abattoir, l'organisme doit obtenir de bas prix pour les vaches de réforme, ce qui est inconciliable avec son rôle de défenseur des producteurs de ces mêmes vaches.

C'est pour assurer «le maintien d'une capacité d'abattage au Québec et l'obtention d'un juste prix pour leurs bovins» que la FPBQ dit avoir acheté l'abattoir. Un prêt de 19 millions d'Investissement Québec - accordé par le gouvernement malgré un avis défavorable de fonctionnaires, a révélé Le Soleil - a permis de réaliser la transaction.

Le ministre de l'Agriculture, Pierre Corbeil, n'a pas indiqué hier s'il allait mener une enquête sur l'abattoir Levinoff-Colbex ou prendre d'autres actions dans ce dossier.