Le taux de chômage a augmenté pour la première fois en neuf mois au Canada, ce qui pourrait être un premier pas vers une récession de plus en plus probable.

Le marché de l’emploi a perdu 17 400 emplois en mai et le taux de chômage a augmenté de 0,2 %, à 5,2 %, a rapporté vendredi Statistique Canada. C’est l’Ontario qui a écopé, avec une perte de 24 000 emplois et un taux de chômage qui a bondi de 4,9 % à 5,5 %.

Le Québec a gagné 1600 emplois en mai et son taux de chômage a légèrement baissé, de 4,1 % à 4,0 %, soit tout près de son creux historique de 3,9 %. Dans la région de Montréal, le taux de chômage a chuté de 4,3 % à 3,9 %, le taux le plus bas depuis que ces données régionales sont compilées, soit depuis 2006.

Le revirement qu’on attendait

L’économie canadienne additionnait les emplois à bon rythme depuis le début de l’année et le taux de chômage s’est maintenu à 5 % depuis cinq mois. La première remontée du taux de chômage depuis neuf mois, en mai, est le revirement qu’attendaient depuis longtemps les économistes de la Banque Nationale.

« Ce n’était qu’une question de temps avant qu’un revirement ne se produise après une vague d’embauche », estime Matthieu Arseneau, chef économiste adjoint.

« Les détails du rapport sont tout aussi moroses, note-t-il. L’emploi à temps plein s’est contracté pour le deuxième mois consécutif », ce qui n’était pas arrivé depuis deux ans.

Le marché du travail ne pouvait pas continuer à résister aux hausses de taux d’intérêt qui n’ont pas encore produit leur plein effet sur l’économie et le marché du travail.

Les données mensuelles peuvent être volatiles, reconnaît M. Arseneau, mais le fait que les profits des entreprises baissent et que la plupart des PME disent ne plus pouvoir augmenter les salaires laisse croire que le marché du travail va continuer de se détériorer.

Pas de changement de cap

Une première hausse du taux de chômage en neuf mois, « c’est sûr que ça réveille un peu », dit Hélène Bégin, économiste de Desjardins. « Mais avec les données d’un seul mois, il est prématuré de conclure que le marché du travail vient de changer de cap », estime-t-elle.

« Ça s’est joué surtout en Ontario, où le taux de chômage est passé de 4,9 % à 5,5 %, explique-t-elle, mais où l’économie se porte relativement bien avec la relance du secteur de l’automobile. L’emploi pourrait donc rebondir en Ontario, selon elle, mais pas au Québec, où l’économie a perdu son élan depuis le début de l’année.

Les chiffres de mai pourraient être la première fissure dans le marché de l’emploi, mais l’économiste de la Banque Laurentienne Sébastien Lavoie croit que ce n’est pas le cas. « On ne peut pas parler d’une faiblesse généralisée de l’emploi », dit-il, en pointant le fait que l’emploi a surtout reculé pour les jeunes de 15 à 24 ans, mais progresse toujours chez les 25 à 54 ans.

L’économiste de la Banque Laurentienne, qui avait été un des rares à prévoir la hausse du taux directeur annoncée mercredi par la Banque du Canada, croit que le marché du travail reste tendu et qu’une autre hausse de taux sera annoncée en juillet.

Les salaires augmentent encore

Le salaire horaire moyen continue d’augmenter à un rythme annuel supérieur à 5 % au pays, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour la Banque du Canada dont l’objectif est de ramener l’inflation à la cible de 2 %.

Au Québec, le salaire horaire moyen progresse encore plus rapidement, note Hélène Bégin, économiste de Desjardins. À 5,4 %, la hausse du salaire horaire moyen au Québec est supérieure au taux d’inflation de 4,8 % dans la province. Le salaire minimum a été augmenté de 1,00 $ l’heure le 1er mai au Québec, pour atteindre 15,25 $.

En y regardant de plus près, on voit toutefois que la tendance salariale est en baisse. « La hausse du salaire horaire n’a été que de 2 % au Canada sur une base annualisée de trois mois », souligne de son côté Marc Desormeaux, lui aussi économiste chez Desjardins.

« Cette mesure oscillait autour de 2 % à 3 % au cours des trois derniers mois, ce qui laisse présager que la variation annuelle devrait ralentir davantage au deuxième trimestre », avance-t-il.

La ville de Québec résiste, mais…

Le Québec compte 1600 emplois de plus en mai, surtout des emplois à temps plein (+ 9100) qui ont plus que compensé les pertes d’emplois à temps partiel (- 7600).

Les gains d’emplois ont été dans le transport et l’entreposage (+ 10 000), les administrations publiques (+ 10 000) et la fabrication (+ 4300). Les pertes d’emplois sont survenues dans les services aux entreprises (- 8700), l’information, la culture et les loisirs (- 7700) et l’hébergement et la restauration (- 3900).

Il y avait en mai 94 000 emplois de plus au Québec qu’à pareille date l’an dernier, souligne l’Institut du Québec.

À Québec, le taux de chômage, qui était descendu jusqu’à 1,7 % en avril, est remonté à 2,6 % en mai (moyenne mobile de trois mois). Malgré ce bond de 0,9 point de pourcentage, la région de Québec détient toujours le record du plus bas taux de chômage régional au Canada.