Après avoir constaté que la forte hausse des taux d’intérêt depuis un an n’a pas suffi à étouffer l’inflation, la Banque du Canada a décidé de rehausser de nouveau son taux directeur.

La banque centrale a annoncé mercredi une hausse des taux d’intérêt par un quart de point de pourcentage (0,25 %). Cette hausse porte son taux directeur à 4,75 %, le niveau le plus élevé depuis 2001.

Les principaux prêteurs bancaires ont vite emboîté le pas, en rehaussant leur taux d’intérêt préférentiel aux environs de 7 %.

Cette décision de la Banque du Canada était surveillée parce que l’économie canadienne ne donne aucun signe de ralentissement et l’inflation semble résister aux huit précédentes hausses du taux directeur en à peine plus d’un an.

L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) s’est établie à 4,4 % en avril, alors que la Banque du Canada veut ramener la hausse des prix sous le niveau de 3 % au cours des prochains mois.

En fait, la banque centrale constate que rien ne se passe comme elle l’avait prévu.

Dans son communiqué publié mercredi, la Banque du Canada explique que la demande excédentaire de biens et services dans l’économie paraît plus persistante que ce à quoi on s’attendait.

Elle évoque notamment les tensions sur le marché du travail, la croissance économique plus forte que prévu au premier trimestre et une progression de la consommation « étonnamment forte et généralisée ».

La banque centrale souligne aussi que l’inflation a été plus élevée que prévu en avril, alors que les prix d’un « large éventail de biens et de services » ont continué d’augmenter.

Ce qu’en disent des économistes

Randall Bartlett, directeur principal en analyse de l’économie canadienne, Mouvement Desjardins

« En optant pour une autre hausse de taux, la Banque du Canada indique clairement qu’elle « reste déterminée à rétablir la stabilité des prix pour les Canadiennes et les Canadiens ». Pour la suite, je m’attends à ce que la banque centrale rehausse à nouveau son taux directeur de 25 points de base (0,25 %) en juillet, puisque les progrès [contre l’inflation] réalisés d’ici là seront vraisemblablement peu nombreux. Le taux directeur s’établirait ainsi à 5 %, à son plus haut niveau depuis 2001. »

Sébastien Lavoie, économiste en chef, Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL)

« Cette autre hausse d’un quart de point du taux directeur de la Banque du Canada (+ 0,25 %, à 4,75 %) ne garantit pas que l’inflation s’estompera suffisamment à moyen terme. En fait, je m’attends à ce que le cycle de resserrement monétaire [hausse de taux] se poursuive en juillet prochain, avec un taux directeur s’élevant à 5 %. Et si l’élan économique ne ralentit pas au cours de l’été, rien n’empêche d’envisager des hausses de taux supplémentaires en septembre et en octobre prochains. »

Josh Nye, économiste principal, Banque Royale (RBC)

« Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la Banque du Canada a relancé la hausse des taux mercredi. D’une part, la croissance économique a été plus forte que prévu au premier trimestre, tirée par des dépenses de consommation robustes. D’autre part, l’inflation a surpris à la hausse en avril, le chômage est resté stable près d’un creux record pour un cinquième mois consécutif, et la correction du marché de l’immobilier résidentiel semble complétée. Dans ce contexte, le message clé de la Banque du Canada est que "la demande excédentaire dans l’économie semble plus persistante que prévu" et qu’il existe un risque croissant que l’inflation "puisse rester sensiblement au-dessus de l’objectif de 2 %". »

James Orlando, économiste principal, Banque TD

« La Banque du Canada est sortie de la ligne de touche et revient dans le jeu avec une hausse-surprise des taux. L’économie canadienne s’est accélérée en 2023, alors que de solides gains d’emploi et des hausses salariales permettent aux Canadiens de continuer à dépenser malgré des taux d’intérêt élevés. Manifestement, la Banque du Canada n’a pas encore vu de signe d’un ralentissement de l’économie qui pourrait atténuer davantage l’inflation vers son objectif (de 2 %). Par conséquent, je m’attends à ce qu’elle rehausse encore les taux en juillet, avec son taux directeur passant de 4,75 % à 5 %. »

Avec la collaboration d’Hélène Baril, La Presse