Ottawa doit obliger les banques canadiennes à respecter leurs engagements en matière climatique, ce qui les aiderait en même temps à faire face au courant anti-transition énergétique qui prend de l’ampleur aux États-Unis, estime Greenpeace Canada.

Il faut réglementer et baliser les engagements pris par les banques d’atteindre la carboneutralité en 2050, réclame un rapport intitulé Désengagement climatique : que faire face à la « démission silencieuse » des banques canadiennes, publié mercredi par le groupe environnementaliste.

Avec la plupart des principales institutions financières du monde, les banques canadiennes sont membres de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero pilotée par Mark Carney et chapeautée par les Nations unies, qui se sont donné l’objectif de financer la transition énergétique et l’élimination des émissions de gaz à effet de serre (GES).

La levée de boucliers de certains États américains qui menacent de boycotter et même de poursuivre les investisseurs qui mettent de l’avant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour « collusion » contre l’industrie pétrolière et gazière a fait peur aux banques, qui ont menacé de quitter l’alliance de Mark Carney si les critères des Nations unies pour baliser leurs engagements leur étaient imposés.

L’alliance a réagi en permettant à ses membres de se soustraire aux critères de l’ONU et d’évaluer eux-mêmes leurs progrès vers l’atteinte de leurs objectifs climatiques. Pour que la participation à l’alliance soit plus qu’une opération de relations publiques, une intervention d’Ottawa est nécessaire, réclame Greenpeace.

Car malgré leurs objectifs de carboneutralité, les banques canadiennes continuent de financer l’industrie pétrolière, ce qui va à l’encontre des engagements qu’elles ont pris.

La Banque Royale est la championne du financement du secteur de l’énergie fossile, parmi les 60 plus grandes banques du monde, relève Greenpeace. Quatre autres banques canadiennes, la Scotia, la TD, la BMO et la CIBC, se classent parmi les 15 banques mondiales qui financent le plus d’activités pétrolières et gazières.

« Puisque les banquiers ne peuvent pas, ou ne veulent pas, agir de leur propre chef, il est temps que nos élus établissent enfin la loi et réglementent les banques afin qu’elles fassent partie de la solution climatique plutôt que d’être une partie toujours plus grande du problème », estime l’auteur du rapport, Keith Stewart.

Autre avantage

La réglementation aurait aussi l’avantage d’écarter la menace de poursuite pour collusion contre l’industrie pétrolière, selon Greenpeace, parce qu’une entreprise ne peut être « de connivence » si elle se contente de respecter les exigences réglementaires.

Greenpeace déplore que les banques canadiennes « tentent de s’abriter derrière les lois antitrust états-uniennes pour abandonner discrètement leurs engagements en faveur du net zéro en matière de climat ».

La levée de boucliers de certains politiciens américains contre les investisseurs qui adhèrent aux critères ESG est en réalité une campagne orchestrée par les lobbies du pétrole et du gaz pour défendre leurs intérêts, soutient le rapport.

Des géants comme Blackrock, Crédit Suisse et UBS ont été bannis des marchés financiers de l’État du Texas à cause de leurs engagements climatiques jugés discriminatoires envers les entreprises du secteur des combustibles fossiles.

Ce mouvement anti-ESG qui prend de l’ampleur signifie que la réglementation du cheminement des banques en matière de changement climatique est plus que nécessaire, selon Greenpeace.

Une pétition demandant au gouvernement fédéral de réglementer les banques pour aligner le système financier canadien sur les engagements de l’accord de Paris sur le climat a été lancée par le groupe environnementaliste, qui peut compter sur certains appuis au sein du gouvernement.

Le député libéral ontarien Ryan Turnbull a déposé une motion en ce sens avec l’appui des députés du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique. Une sénatrice, Rosa Galvez, a présenté un projet de loi qui imposerait des objectifs aux institutions financières.

Greenpeace affirme aussi avoir le soutien de la population qui, à 70 %, appuie l’imposition d’exigences aux banques, selon un sondage commandé à Angus Reid.

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