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Au Canada, existe-t-il un plafond de la dette préétabli comme c’est le cas aux États-Unis, sujet qui semble inquiéter les Bourses et tout le système économique américain ? Merci.

Jean Robitaille

Il n’existe pas au Canada de loi semblable à celle des États-Unis qui fixe au gouvernement fédéral un plafond d’endettement. Beaucoup le déplorent d’ailleurs, parce que rien n’empêche Ottawa d’augmenter sa dette pratiquement indéfiniment, comme il l’a fait au cours des dernières années. Les conséquences d’un endettement excessif peuvent finir par empêcher un gouvernement d’assurer les services essentiels à la population, en plus de faire porter le fardeau de ses dépenses aux prochaines générations.

Les pays qui limitent le pouvoir d’endettement de leurs gouvernements sont rares. À part les États-Unis, le seul autre exemple connu est le Danemark. Est-ce une bonne chose ? C’est une arme à deux tranchants, comme on le voit actuellement.

Aux États-Unis, la loi qui limite l’endettement du gouvernement existe depuis 1917. Elle a été votée par le Congrès pour gagner l’appui de ses membres réticents à l’idée que les États-Unis participent à la Première Guerre mondiale. En limitant la somme que le pays pouvait emprunter pour financer le conflit, il a été possible d’obtenir l’appui des réticents.

La loi a été par la suite modifiée et le plafond de la dette a été augmenté à de multiples reprises pour permettre au pays d’assumer des responsabilités croissantes, comme l’aide sociale et la santé publique.

Lorsque le plafond de la dette est sur le point d’être atteint, le Congrès a besoin de l’accord de la Chambre des représentants pour le relever ou le suspendre temporairement, ce qui s’est fait sans trop de problèmes une centaine de fois depuis que la loi existe.

Au cours des dernières années, le plafond de la dette est devenu un champ de bataille politique. Quand le parti au pouvoir à la Maison-Blanche est minoritaire à la Chambre des représentants, comme c’est le cas actuellement, la situation peut dégénérer. C’est ce qui se passe en ce moment.

Avant de donner leur accord au relèvement du plafond de la dette, les républicains exigent du gouvernement des coupes dans les dépenses publiques pour freiner l’augmentation de la dette, ce qui est jugé inacceptable par l’administration de Joe Biden, qui propose plutôt d’augmenter l’impôt des mieux nantis, ce qui est jugé tout aussi inacceptable par ses adversaires.

Ce cul-de-sac dans les négociations entre démocrates et républicains se transforme en crise à mesure que l’échéance du plafond de la dette se rapproche. Sans compromis, le gouvernement américain ne pourra plus payer ses factures ni les intérêts sur sa dette le 5 juin, selon la dernière date publiée vendredi. Non seulement un défaut de paiement de la plus importante économie au monde aurait des conséquences dramatiques aux États-Unis, mais tout le système financier mondial en serait ébranlé.

Son impact pourrait être encore pire actuellement, alors que l’incertitude sur l’évolution de l’économie mondiale est grande et que les investisseurs sont nerveux.

Il y a des solutions pour empêcher qu’une telle crise créée de toutes pièces se reproduise, selon l’économiste de Desjardins Francis Généreux. La Constitution américaine prévoit en effet que « la validité de la dette des États-Unis ne doit pas être remise en question », que ce soit par une loi sur le plafond de la dette ou autre chose. « La Maison-Blanche et le Trésor pourraient ainsi contester judiciairement la conformité constitutionnelle du plafond légal de la dette », souligne-t-il dans une analyse récente.

Jusqu’à maintenant, aucun gouvernement n’a voulu se servir de la Constitution pour prévenir la répétition des crises de la dette.

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