Des détaillants peinent encore à respecter les heures d’ouverture.

Les consommateurs qui se rendent dans les centres commerciaux en début ou en fin de journée n’ont pas toujours la possibilité de compléter tous leurs achats. Certains détaillants, faute de main-d’œuvre, peinent encore à respecter les heures d’ouverture déterminées par les bailleurs.

Des magasins toujours fermés à 11 h alors que le centre commercial ouvre à 10 h. Et des clients qui se cognent le nez sur la porte en fin de journée bien avant la fermeture officielle. Ce genre de situation, monnaie courante pendant la pandémie, perdure encore à quelques endroits.

« Dans certaines régions, j’ai des magasins qui ferment plus tôt », reconnaît Sylvain Lafrance, président du Groupe Marie Claire, qui compte quelque 300 magasins. « Je pense qu’avec la pénurie de main-d’œuvre, les consommateurs comprennent et se sont ralliés. C’est comme quand on va au restaurant, on attend plus longtemps. »

« On essaie le plus possible de respecter les heures [des centres commerciaux] », ajoute Claudie Laroche, directrice du marketing de Chaussures Pop et Go Sport. « Mais c’est certain que le bailleur va comprendre si on ne peut pas ouvrir parce qu’on n’a pas de personnel. »

Au début du mois de mai, lors d’une visite au Complexe Desjardins, au centre-ville de Montréal, La Presse a pu constater que trois magasins étaient toujours fermés, près d’une heure après l’ouverture officielle du centre commercial, prévue à 9 h 30 du lundi au samedi.

Un horaire affiché dans la porte de l’un des commerces indiquait même des heures d’ouverture qui ne correspondaient pas à celles du Complexe Desjardins. Les bailleurs, qui avaient fait preuve de souplesse pendant la pandémie, exigent-ils maintenant que leurs locataires respectent l’horaire du centre commercial ?

« Il est effectivement inscrit dans les règlements que les commerçants doivent respecter les heures d’ouverture du centre commercial, répond Marie-Pier Labarre, directrice du marketing au Complexe Desjardins. Par contre, nous comprenons que quelques indépendants aient plus de difficulté à trouver du personnel et nous prévoyons que le tout sera résolu dans les prochains mois. »

Aux Galeries d’Anjou, lors de notre passage un lundi matin, un seul magasin était toujours fermé, près de 40 minutes après l’ouverture du centre commercial.

Au Groupe Mach, propriétaire de plusieurs centres commerciaux partout au Québec, dont Place Longueuil, Le Carrefour de l’Estrie et Le Centre des Rivières, on remarque tout de même une « amélioration » du respect des heures d’ouverture.

« Depuis quelques semaines, voire quelques mois, on voit vraiment une grande amélioration, assure Daniel Durand, vice-président, marketing et communications, du Groupe Mach. C’est devenu beaucoup plus à la pièce. Les commerçants parfois, ils ont des soucis. Ils vont fermer prématurément le magasin. Mais il n’y a plus de grande tendance à travers nos centres. »

À certains endroits, l’entreprise organise même des évènements pour attirer les clients et ainsi inciter les commerçants à demeurer ouverts. « Dans la plupart des ententes qu’on a, on demande aux commerçants de respecter les heures d’ouverture du centre commercial. »

Si ce n’est pas respecté ? « Il y a un suivi qui est fait directement avec le commerçant pour qu’il puisse corriger la situation le plus rapidement possible, précise M. Durand. Le centre commercial est une destination où le client veut retrouver tous ses magasins ouverts. »

Du côté de JLL, qui gère notamment le Centre Eaton au centre-ville de Montréal, les Galeries d’Anjou et la Place Laurier à Québec, Johanne Marcotte, vice-présidente exécutive, gestion de portefeuille, commerce de détail, affirme qu’il y a encore une « flexibilité » par rapport aux heures d’ouverture.

« Celles-ci sont définies en fonction du type de centre commercial (urbain, régional, etc.), du marché dans lequel il est situé, tout en prenant en considération les besoins et habitudes d’achat des consommateurs, a écrit Mme Marcotte dans un courriel envoyé à La Presse. Bien que nous ne puissions pas dévoiler les ententes contractuelles, nous favorisons la collaboration et la communication avec nos partenaires. »

Retour à la « normale »

Par ailleurs, l’année 2023 pourrait bien être celle qui marque le retour à la « vraie vie » dans le commerce de détail. De la réception de la marchandise aux ventes en passant par l’achalandage, les premiers mois de l’année augurent bien, affirment les commerçants interrogés.

Ce retour à la normale pourrait bien contribuer à un plus grand respect des heures d’ouverture, soutient Daniel Durand. « L’achalandage dans les centres commerciaux s’améliore énormément, de mois en mois. » Selon lui, les consommateurs reprennent leurs habitudes. « Ils reviennent magasiner les soirs. J’ai l’impression que, comme il y a des clients dans les centres commerciaux, il y a peut-être un effort qui est fait pour garder le magasin ouvert. »

Seulement au Carrefour de l’Estrie, l’achalandage a augmenté en mars d’environ 12 % à 15 % par rapport à la même période en 2019.

Lili Fortin, présidente de Tristan, a l’impression qu’elle respire pour la première fois… depuis 2019. « Les ventes sont bonnes. Les clients aiment la collection. Ils achètent beaucoup. Les paniers d’achats sont plus élevés. Je pense que les gens ont peut-être un peu moins de sentiment de culpabilité quand ils achètent de la valeur. »

L’entreprise a renoué avec des performances prépandémiques, affirme-t-elle. « L’an dernier, on avait encore des retards de livraison. On avait des délais de production. »

Encore en 2022, les livraisons tardaient et arrivaient à bon port alors que la saison était déjà commencée, ont rappelé plusieurs détaillants.

« Ça n’avait aucun sens », se souvient Jean-Philippe Clément, administrateur des boutiques Clément, connues notamment pour leurs vêtements pour enfants. « Là, il y a des fournisseurs qui sont prêts à nous livrer avant. C’est du jamais-vu. Ils sont un mois à l’avance. »

« C’est vraiment un retour à la normale, observe-t-il. Le prix des conteneurs a descendu. On est autour de 4000 $ pour un conteneur. Ç’a déjà été à 26 000 $. »

« C’est la première saison où les choses se rétablissent, résume Lili Fortin, même si on a le nuage de l’inflation au-dessus de notre tête. »