Nos voisins du Sud sont une fois encore empêtrés dans leur débat sur le relèvement du plafond de la dette du gouvernement, une crise artificielle et récurrente qui a des conséquences bien réelles. Et pas seulement aux États-Unis.

Le nouvel épisode en développement depuis le début de l’année arrive à son terme. Le gouvernement américain ne pourra plus emprunter le 1er juin et risque ainsi de se trouver en défaut de paiement sur sa dette. Depuis plusieurs mois déjà, l’administration Biden a gagné du temps en reportant les paiements qui peuvent l’être, en attendant de s’entendre avec l’opposition républicaine sur un nouveau plafond de la dette.

À mesure que la date fatidique approche, les augures prédisent le pire.

Si les États-Unis se retrouvaient vraiment en défaut de paiement sur leur dette, les conséquences seraient sans doute catastrophiques. En 2011, la crise de la dette avait conduit la firme Standard & Poor’s à réduire la cote de crédit des États-Unis.

La secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, énumérait encore la semaine dernière ce qui attend le pays au lendemain du 1er juin : hausse des taux d’intérêt, pertes d’emplois et récession profonde.

PHOTO STEFANI REYNOLDS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Janet Yellen, secrétaire au Trésor des États-Unis

La crise actuelle a déjà des impacts sur l’économie américaine. Même si le pire est évité, le fait de s’approcher du défaut de paiement provoque assez d’incertitude pour diminuer de 0,3 % la croissance du produit intérieur brut des États-Unis au troisième trimestre 2023 et pourrait coûter 200 000 emplois, selon l’analyse du Council of Economic Advisers de la Maison-Blanche.

Si l’impact de ce chaos récurrent se limitait aux États-Unis, ce serait déjà grave. Mais dans l’état actuel de fragilité de l’économie mondiale, ça pourrait être désastreux, souligne Francis Généreux, économiste de Desjardins, dans une récente analyse de la situation.

Les États-Unis, comme la plupart des économies industrialisées, font face à de l’inflation persistante, des taux d’intérêt élevés et un endettement sans précédent. La récession guette partout, et les récentes faillites bancaires aux États-Unis et en Suisse ont ébranlé le système financier international.

C’est le pire moment pour ajouter une couche d’incertitude supplémentaire, artificielle en plus. La crise de la dette américaine n’a aucun fondement économique, mais elle a déjà des répercussions sur les marchés et la confiance des investisseurs.

Les marchés sont fébriles, constate Francis Généreux. Le prix du contrat d’échange sur défaillance de crédit (credit default swap, CDS), soit l’instrument financier qui permet de s’assurer contre un éventuel défaut de paiement du gouvernement américain, a grimpé en flèche au cours des dernières semaines (voir graphique). Le cours actuel des CDS est sans commune mesure avec le niveau atteint lors des épisodes précédents de la crise de la dette.

« Juste être sur le bord du gouffre et prendre le risque d’y tomber semble donc avoir un coût financier, mais aussi économique », constate l’économiste de Desjardins.

Un vrai danger

Le reste de la planète économique a donc de quoi s’inquiéter de la politique américaine qui devient de plus en plus dysfonctionnelle, parce que le système financier repose sur le dollar américain.

[Le dollar américain], c’est le sang qui coule dans les veines de la finance internationale.

Francis Généreux, économiste de Desjardins

Depuis 1960, le plafond de la dette a été relevé 78 fois, selon le département du Trésor. La loi qui oblige les deux partis à s’entendre sur le niveau de la dette publique existe depuis 1917 et ne dégénère pas toujours en crise. Mais force est de constater qu’elle ne réussit pas à contenir la dette américaine, qui atteint actuellement un niveau record, et que les crises politiques qu’elle engendre sont aussi plus fréquentes et plus compliquées à résoudre.

Ce qui ne devrait être qu’une formalité est devenu un vrai danger pour le système financier international.