La tendance est plutôt à l’expansion dans le monde agricole et les fermes deviennent de plus en plus grosses. Ce qui se passe aux Pays-Bas, où le gouvernement veut racheter des fermes pour les fermer et forcer les éleveurs à réduire leur nombre de bêtes, est assez particulier.

L’objectif du gouvernement est d’éliminer 3000 fermes, soit 5 % de toutes les fermes du pays, et de diminuer de 50 % le nombre d’animaux d’élevage. Ces bêtes produisent de la viande, du lait et surtout les fromages gouda et édam de renommée mondiale.

Le but de l’opération est de réduire les nitrates, notamment l’ammoniac et l’azote, rejetés par les élevages et les cultures.

On imagine difficilement un gouvernement entreprendre un tel virage ici. Aux Pays-Bas, le choc est majeur.

Ce petit pays de 18 millions d’habitants, qui a souffert de famine après la guerre, a su tirer parti de son territoire pour devenir un des plus importants producteurs agroalimentaires d’Europe. L’agriculture pèse aujourd’hui seulement 1,6 % du produit intérieur brut des Pays-Bas, mais le secteur agroalimentaire représente le quart de toute sa production industrielle.

C’est difficile à croire, mais les Pays-Bas sont le deuxième exportateur de produits alimentaires dans le monde en dollars, derrière les États-Unis dont le territoire est immense. Il faut dire qu’une partie des exportations agroalimentaires des Pays-Bas est en fait constituée de la réexportation dans toute l’Europe de produits arrivés à son port de Rotterdam.

Il reste que l’agriculture fait depuis longtemps la fierté du pays. Avec raison. Il s’agit d’activités hautement mécanisées, innovatrices et très productives, qui inspirent le monde entier. Le centre de recherche Wageningen de l’université du même nom, spécialisé dans l’agriculture et l’alimentation, est aussi renommé que les tulipes du pays. Les robots, les serres ultraperformantes, les cultures verticales et les protéines alternatives comptent parmi les innovations qui en sont issues.

Les Pays-Bas sont en quelque sorte victimes de leur succès. L’élevage intensif de porcs et de vaches laitières génère presque la moitié des émissions de gaz à effet de serre du territoire. La concentration de nitrates dans le sol y est la plus élevée de toute l’Union européenne.

Depuis plusieurs années, le pays tente de trouver des solutions pour assainir et verdir l’agriculture. Mais les mesures incitatives ont leurs limites et le gouvernement a décidé de mettre la pression. Si le nombre de fermiers qui acceptent volontairement de renoncer à leurs activités pour une contrepartie équivalant à 120 % de leur valeur est insuffisant, des expropriations sont prévues. Un budget global de 24 milliards d’euros (35,5 millards CAN) est prévu pour indemniser les agriculteurs.

La colère qui bouillonne depuis des années dans la campagne néerlandaise s’est transposée sur le plan politique. Un parti d’agriculteurs, BoerBurgerBeweging (BBB), qu’on peut traduire par Mouvement citoyen paysan, a vu le jour pour s’opposer aux politiques du gouvernement qui ciblent leur secteur.

Et contre toute attente, la campagne vient de battre la ville. Le parti BBB a remporté une victoire spectaculaire lors des élections législatives qui ont eu lieu le 16 mars. Il a remporté 15 sièges sur les 75 du Sénat, et menace ainsi la majorité du gouvernement de Mark Rutte qui se retrouve avec 23 sièges. Des négociations importantes vont s’amorcer pour l’avenir de l’agriculture aux Pays-Bas, et beaucoup de pays pourraient s’en inspirer.