Les projets d’usines de batteries pour véhicules électriques poussent comme des champignons partout. Il y en a qui veulent désespérément en hériter, d’autres pas mal moins.

C’est le cas en Hongrie, où Mercedes-Benz et CATL, le leader chinois de la batterie, veulent construire une usine de près de 8 milliards de dollars. Le projet, qui serait l’investissement privé le plus important de l’histoire du pays, suscite une opposition monstre au sein de la population de la région élue et même dans tout le pays.

Selon le New York Times, qui est allé tâter le pouls de la population, la contestation gagne même les alliés du président Viktor Orbán, qui commencent à se ranger du côté des opposants, même si cet investissement est le résultat des efforts de promotion du gouvernement hongrois.

Ce qui est encore un rêve pour le Québec commence à être trop en Hongrie, on dirait. Les environnementalistes déplorent la pression que mettent ces méga-usines sur la demande d’eau et d’énergie. Les risques de pollution des immenses terres accaparées par les installations sont aussi l’objet de préoccupations dans un pays dont les lois environnementales ne sont pas les plus strictes en Europe.

Le projet d’usine contesté en Hongrie occuperait l’équivalent de 400 terrains de football. L’usine que Volkswagen va construire en Ontario aurait besoin d’un terrain équivalent à 1400 terrains de football, selon les informations disponibles.

Le gouvernement hongrois est fier d’avoir attiré des investissements importants dans le secteur automobile. Au cours des six dernières années, des investissements de 14 milliards ont été annoncés dans l’ensemble de la filière.

Le pays abrite déjà des manufacturiers et des fabricants de batteries comme Samsung. Il peut se targuer d’avoir sur son sol la chaîne de valeur complète des batteries pour voitures électriques, des anodes et des cathodes jusqu’à l’assemblage final.

L’avantage de la Hongrie tient à plusieurs choses, dont des salaires et des impôts relativement bas, mais aussi, et surtout, à sa proximité des constructeurs de voitures européens, allemands principalement, désireux de rattraper l’immense avance de la Chine dans le transport électrique.

Un freinage sec

L’Europe avait commencé à mettre les bouchées doubles pour s’assurer de rester dans la course. À lui seul, le constructeur Volkswagen avait annoncé l’an dernier son intention de construire six usines de batteries en territoire européen, en Allemagne, en Suède, en Espagne et dans trois autres pays qui restaient à déterminer.

Depuis, la game a changé, comme on dit. D’abord, l’Allemagne a été privée de gaz russe, ce qui force toute son économie à s’ajuster. Les prix plus élevés de l’énergie et l’incertitude quant à sa disponibilité sur tout le continent européen ont modifié bien des plans, dont ceux de Volkswagen, qui a choisi de traverser l’Atlantique.

Ensuite, la décision de l’administration Biden d’investir massivement dans la transition énergétique en général et le transport électrique vient de couper les ailes au secteur automobile européen.

Des milliards de dollars d’aide publique sous forme de prêts, de subventions et de crédits d’impôt sont disponibles pour la fabrication et l’achat de véhicules électriques, à condition qu’ils soient fabriqués aux États-Unis et dans la zone de libre-échange nord-américaine en utilisant des matières premières locales.

L’impact conjugué du prix de l’énergie et de la politique protectionniste américaine a déjà commencé à infléchir le cours des investissements, selon le site spécialisé Atlas Public Policy. À la fin de 2022, l’Europe était encore la première destination pour les projets d’électrification des transports. Au début de 2023, les États-Unis l’ont rejointe en tête avec des projets totalisant 210 milliards d’ici 2030, soit près de la moitié du total des investissements annoncés dans le monde.

Les États-Unis font le pari que l’électrification des transports permettra de rapatrier les emplois manufacturiers disparus au fil des ans. Pour la Hongrie, ça veut peut-être dire que cette manne va finir par se tarir.