De ce côté-ci du monde, la Suède est souvent vue comme un modèle de société progressiste, égalitaire et accueillante pour tous les migrants du monde. Mais rien ne va plus actuellement dans ce pays scandinave.

La montée de l’extrême droite et la vague anti-immigration qui secouent l’État menacent la concrétisation de la plus importante décision de son histoire récente, celle de grossir les rangs de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Historiquement campée dans la neutralité entre pays de l’Est et Occident, la Suède a changé son fusil d’épaule après l’invasion de l’Ukraine par les Russes il y a un an. Elle a officiellement demandé d’être intégrée dans l’OTAN, au côté de son voisin finlandais, aujourd’hui la ligne officielle de défense du territoire des pays alliés contre la Russie.

L’admission de la Suède à l’OTAN, qui doit être approuvée à l’unanimité des pays membres, est bloquée par l’un d’eux, la Turquie, qui l’accuse de donner asile à des terroristes et de nourrir un sentiment anti-islam. Un illuminé qui a brûlé un coran lors d’une manifestation à Stockholm a récemment envenimé les relations déjà tendues entre les deux pays.

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Coran brûlé à Stockholm le 21 janvier dernier

Le pays de Greta Thunberg et d’IKEA, à la réputation de pays paisible, qui faisait il n’y a pas si longtemps l’envie de la communauté internationale pour sa gestion de la pandémie, est aux prises avec une augmentation du crime et de la violence liée à l’augmentation importante des inégalités. Ce qu’on n’aurait pas cru possible dans un pays champion des impôts élevés et de la redistribution de la richesse, la définition même de l’État providence.

L’écart entre les riches et les pauvres n’a jamais été si grand, selon l’Agence suédoise de la statistique.

La pauvreté touche surtout les nouveaux arrivants, dans un pays qui a toujours accueilli à bras grands ouverts les immigrants et les demandeurs d’asile. Ces bras ont commencé à se refermer et le gouvernement a annoncé ce qu’il appelle un changement de paradigme pour le pays dont 20 % des 10 millions d’habitants étaient nés à l’étranger en 2021. Une campagne vient d’être lancée par l’État pour décourager les migrants de venir en Suède.

Une récession « maison »

Parmi tous les problèmes actuels de la Suède, le plus étonnant est peut-être que c’est le seul pays d’Europe qui sera en récession en 2023. Alors que l’envolée des prix de l’énergie faisait craindre le pire pour les pays de l’Union européenne les plus accros au gaz russe, les économies de ces pays ont résisté mieux que prévu et vont probablement éviter la récession.

Pas la Suède, plus importante économie scandinave, qui a fini l’année dans le rouge et qui s’attend à un recul de 1 % de son PIB pour l’ensemble de l’année 2023.

La Suède a été relativement épargnée par la crise énergétique européenne. Malgré sa nordicité, le pays est déjà un modèle de sobriété énergétique et il dépend peu de l’énergie fossile (pétrole et gaz naturel). L’hydroélectricité et le nucléaire comblent les trois quarts de ses besoins en électricité.

Le ralentissement de l’économie ne peut pas être imputé uniquement à la flambée des prix de l’énergie.

C’est l’inflation généralisée post-pandémique, arrivée en même temps, qui a pris les ménages suédois par surprise. En décembre 2022, le taux d’inflation en Suède a atteint 10,2 %.

La Riksbank, banque centrale de Suède, a réagi. La Suède est membre de l’Union européenne, mais ne fait pas partie de la zone euro. Le pays a sa propre politique monétaire.

Les ménages suédois sont parmi les plus endettés d’Europe, ayant profité pendant des années de taux d’intérêt pas très loin de zéro. Comme ç’a été le cas ici, le secteur immobilier s’est emballé et le prix des maisons a beaucoup augmenté. Comme ici, la pandémie a exacerbé la flambée immobilière.

Comme la plupart des prêts hypothécaires contractés en Suède sont à taux variable, la hausse rapide du coût du crédit a coupé les ailes des consommateurs. Le prix des maisons est en chute libre, le secteur de la construction s’effondre et la faiblesse de la devise alimente l’inflation que les hausses de taux d’intérêt tentent d’apaiser.

C’est la recette d’une récession « maison » qui se traduira par un recul de l’économie accompagné d’une hausse du taux de chômage, qui dépassera les 8 % cette année, selon les prévisions officielles.

Le modèle suédois, tout à coup, ne fait plus tellement envie.