La hausse des taux d’intérêt s’arrêtera au niveau actuel de 4,5 % si les prévisions de la Banque du Canada s’avèrent justes, a indiqué mardi son gouverneur, Tiff Macklem.

« Si l’accumulation de nouvelles informations est en ligne avec nos prévisions, ça voudra dire qu’on en a fait assez », a dit le gouverneur, qui était à Québec à l’invitation de CFA Québec. Dans le cas contraire, la banque n’hésitera pas à reprendre la hausse des taux et à continuer de ralentir l’économie, a-t-il répété.

À ceux qui souffrent déjà de la hausse des taux hypothécaires, Tiff Macklem dit qu’il n’y a pas de manière facile et sans douleur de rétablir la stabilité des prix. Lui-même n’a pas d’hypothèque, mais il est déjà passé par là quand il a contracté son premier prêt hypothécaire à un taux de 11 %, a-t-il indiqué en réponse à la question d’un journaliste.

« On comprend que c’est difficile, mais c’est très important qu’on retourne dans un monde où les ménages peuvent planifier leurs dépenses, ce qu’ils ne peuvent pas faire avec une inflation élevée. À la fin, ça en vaut la peine. »

Après huit augmentations successives qui ont fait passer son taux directeur de 0,25 % à 4,50 %, la Banque du Canada a annoncé le 25 janvier qu’elle faisait une pause pour laisser l’économie s’ajuster. Comme l’impact des hausses de taux peuvt mettre jusqu’à deux ans à se diffuser dans l’économie, elle fait le pari que ça sera suffisant.

« On voit des signes que les taux d’intérêt plus élevés commencent à rééquilibrer l’économie, a-t-il précisé à son auditoire. Les ménages ont modéré leurs dépenses, surtout dans les secteurs sensibles aux taux d’intérêt. »

Le marché du travail reste tendu, mais on voit de premiers signes de détente. L’inflation a baissé, et nos enquêtes indiquent que plus d’entreprises sont convaincues qu’elle va encore diminuer.

Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada

Le taux officiel d’inflation, qui a culminé à 8,1 % en juin, était redescendu à 6,3 % en décembre. Les mesures de l’inflation de base, qui excluent les prix les plus volatils, sont encore plus basses, a fait valoir Tiff Macklem. C’est la preuve que la politique monétaire fonctionne, selon lui.

« Les évolutions récentes ont renforcé notre conviction que l’inflation descend, a précisé le gouverneur. On s’attend maintenant à ce que l’inflation mesurée par l’IPC soit autour de 3 % au milieu de 2023, et à la cible de 2 % en 2024 », a-t-il réitéré.

La Banque du Canada ne prévoit pas de récession, mais une croissance économique nulle en 2023.

Des risques

Il y a des risques considérables associés à ces prévisions, a admis le gouverneur. Un taux de chômage de 5 % au Canada, et de 4 % au Québec, tout près des creux historiques, « ce n’est pas soutenable, selon lui, c’est un signe que l’économie surchauffe ».

De même, les hausses salariales, qui tournent actuellement autour de 4 à 5 %, devront se modérer pour que l’inflation puisse retourner à la cible de 2 %.

« Ce n’est pas le job du gouverneur de la Banque du Canada de dire aux entreprises quelles hausses accorder ou aux employés quelles hausses demander, a-t-il précisé après son allocution. Mais si ça persiste, ce n’est pas cohérent avec le retour à la cible, à moins d’une augmentation de productivité comme on n’en a jamais vu dans l’histoire. »

En plus de la détente attendue sur le marché du travail et sur le front des salaires, le comportement des entreprises en matière de fixation des prix sera suivi de près par les autorités monétaires pendant la pause qu’elles viennent d’annoncer.

L’an dernier, les entreprises ont profité de l’inflation, a observé la Banque du Canada. Le gouverneur a expliqué que lorsque l’inflation est basse et stable, la concurrence joue son rôle, mais que ça n’a pas été le cas l’année dernière, parce que les consommateurs s’attendaient à des hausses de prix.

« L’an passé, c’est clair que les entreprises ont augmenté leurs prix beaucoup plus souvent et plus fortement que par le passé, et nous allons surveiller ça », a-t-il dit.

Les sondages menés par la banque centrale indiquent que les entreprises ont modéré leurs ardeurs, mais la situation est encore loin d’être revenue à la normale, selon le gouverneur.

« Si on voit que les données suggèrent que l’inflation ne baisse pas, ça voudra dire qu’on a encore du travail à faire », a-t-il réitéré.

La pause de la banque centrale pourrait durer combien de temps ? C’est une bonne question, à laquelle le gouverneur s’est bien gardé de répondre. « À la fin, c’est un jugement que le conseil de direction va faire », a-t-il dit.