(Québec) Trois mois après les avoir présentées en campagne électorale, Québec révisera de toute évidence à la baisse ses prévisions de croissance économique dans sa mise à jour budgétaire de jeudi. La stagnation anticipée de l’économie ne freinera pas son intention de verser comme promis 1,6 milliard de dollars de plus par année aux aînés, l’un des volets de son « bouclier anti-inflation ».

Après la crise de la COVID-19 au cours de son premier mandat, c’est une autre période d’incertitude économique que doit traverser le gouvernement Legault au début de son deuxième. Sa boule de cristal est embrouillée, comme celle de bien des économistes depuis quelques mois.

Dans son rapport préélectoral sur les finances publiques du Québec, le gouvernement Legault prévoyait que le produit intérieur brut (PIB) réel augmenterait de 1,7 % en 2023, puis de 1,5 % pour les années suivantes. Or, le portrait a considérablement changé en peu de temps.

Les premiers signaux inquiétants se sont manifestés vers la fin de la campagne électorale, avec une forte baisse des marchés boursiers. Et la hausse des taux d’intérêt a également un impact sur l’économie. Le risque d’une récession est passé de 35 % à 50 % aux yeux du gouvernement. Mais pour le moment, il s’attend à un ralentissement prononcé de l’économie, une période de stagnation.

Selon les bulletins diffusés au cours des dernières semaines par des prévisionnistes du secteur privé, le PIB réel augmenterait à peine au Québec l’an prochain. La croissance économique se chiffrerait entre 0,1 % et 0,7 %. Rappelons que le gouvernement aligne ses prévisions sur la moyenne du secteur privé.

C’est donc dire que la croissance anticipée pour 2023 serait inférieure d’un point de pourcentage – voire davantage – par rapport aux prévisions de Québec datant de la campagne. Cela équivaut au bas mot à 1 milliard de dollars en moins dans les coffres de l’État pour l’an prochain. Le ministre des Finances, Eric Girard, donnera l’heure juste dans sa mise à jour budgétaire jeudi. On anticipe qu’il devra utiliser une partie de sa « marge de prudence » de 2 milliards pour absorber les effets du ralentissement.

Prévisions de Québec

Pour 2022, Québec s’attendait jusqu’ici à conclure l’année avec une croissance économique de 3,4 %, ce qui est semblable ou légèrement supérieur aux prévisions les plus récentes du secteur privé.

Pour 2024 et les années suivantes, Québec prévoyait une croissance économique de 1,5 %. Or, François Legault s’est engagé en campagne à ce que le PIB réel bondisse davantage s’il est réélu, de 2 % au lieu de 1,5 %, grâce notamment aux baisses d’impôt à venir et à son plan de transition énergétique.

« Nous sommes persuadés de pouvoir dépasser les attentes des économistes une fois de plus », peut-on lire dans le cadre financier de la Coalition avenir Québec (CAQ). On fait valoir qu’un demi-point de pourcentage supplémentaire par rapport aux prévisions représente une augmentation « réaliste et prudente ».

Il est trop tôt pour dire si cette promesse est compromise. Le ralentissement économique attendu en 2023 risque toutefois de compliquer la tâche du gouvernement.

Les nuages sombres à l’horizon ne changent rien au plan du gouvernement à court terme. Celui-ci entend concrétiser jeudi, comme prévu, une promesse électorale : faire passer de 411 $ à 2000 $ le montant maximum du soutien financier versé aux personnes âgées de 70 ans et plus.

Cette mesure de 1,6 milliard de dollars par année fait partie du « bouclier anti-inflation » présenté en campagne. Depuis sa réélection, le gouvernement a versé, au coût de 3,5 milliards, des chèques de 400 $ à 600 $ à tous ceux qui gagnent moins de 100 000 $. Il a également déposé un projet de loi pour plafonner à 3 % l’indexation des tarifs gouvernementaux, ce qui le privera de 1 milliard en quatre ans. Le dernier volet du « bouclier anti-inflation », des baisses d’impôt, sera mis en œuvre au budget de l’an prochain. Les deux premiers paliers d’imposition seront réduits d’un point de pourcentage, ce qui représente 1,7 milliard de dollars par année.

Déficit gonflé

En raison de toutes ces dépenses, la CAQ a prévenu que le déficit va gonfler et qu’il réduira les versements au Fonds des générations, dont la mission est de réduire le poids de la dette. Le déficit se chiffrerait, selon son cadre financier, à 7,6 milliards pour l’année en cours et à 5 milliards en 2023-2024 (après les versements au Fonds des générations). Le retour à l’équilibre budgétaire est prévu en 2027-2028.

Mais là encore, la mise à jour budgétaire offrira un portrait plus clair. L’inflation fait augmenter, du moins à court terme, les revenus du gouvernement, un facteur qui a amélioré l’état des finances publiques dans les derniers mois et qui pourrait alléger le déficit attendu.

Si sa priorité pour 2022 était de donner une bouffée d’oxygène aux Québécois touchés par la hausse du coût de la vie, tout porte à croire que le gouvernement consacrera beaucoup d’énergie en 2023 à contrer l’impact d’une stagnation économique. Des mesures de soutien aux entreprises qui se retrouveraient en difficulté sont dans les cartons.