(Washington) Le marché de l’emploi américain a de nouveau surpris en novembre, montrant une santé de fer avec des créations d’emplois nombreuses, semblant repousser toujours la perspective d’une récession, qui plane cependant sur la première économie du monde.

« Les choses évoluent […] dans la bonne direction », a salué le président américain Joe Biden, vendredi matin depuis la Maison-Blanche : « les Américains travaillent, l’économie croît, les salaires progressent plus vite que l’inflation ».

En novembre, 263 000 emplois ont été créés aux États-Unis, a annoncé vendredi le département du Travail, bien plus que les 200 000 qui étaient attendus par les analystes. Moins cependant que les 284 000 du mois d’octobre.

« Des gains d’emploi notables ont été réalisés dans les loisirs et l’hôtellerie, les soins de santé et le gouvernement. L’emploi a diminué dans le commerce de détail et dans le transport et la logistique », a détaillé le département du Commerce dans son communiqué.

Le taux de chômage est resté stable à 3,7 % en novembre, un niveau très bas.  

« Les données signalent une dynamique positive continue de la croissance de l’emploi et des salaires toujours élevés », a commenté à son tour Rubeela Farooqi, économiste pour HFE, dans une note.

Les yeux rivés sur ces chiffres, Wall Street a cependant ouvert en baisse vendredi matin.

Salaires en hausse

Ces chiffres pourraient en effet pousser la banque centrale américaine (Fed) à continuer de resserrer les conditions monétaires afin de lutter contre l’inflation, lors de la prochaine réunion les 13 et 14 décembre. Cela limite l’accès au crédit pour les entreprises comme pour les particuliers.

« La Fed a besoin de voir un ralentissement plus rapide du marché de l’emploi pour réaliser un atterrissage en douceur », c’est-à-dire faire reculer l’inflation sans faire basculer l’économie dans une forte récession, selon Ryan Sweet, chef économiste pour Oxford Economics.

Il anticipe toutefois « des pertes d’emplois pures et simples à partir du deuxième trimestre de 2023, lorsque […] l’économie entrera dans une légère récession », et un taux de chômage qui approchera les 5 % d’ici la fin de l’année prochaine.

L’excellente santé du marché du travail montre que la demande reste forte de la part des consommateurs, et que, par conséquent, les entreprises ont besoin de main-d’œuvre, ce qui maintient une pression sur les prix.

Un autre élément montre que les employeurs cherchent toujours à embaucher ou conserver leur personnel : la hausse des salaires plus rapide qu’en octobre, de 0,6 % contre 0,5 %, pour atteindre en moyenne 32,82 dollars de l’heure.  

« Même si l’inflation chute plus rapidement que prévu au cours des prochains mois […], (la Fed) s’inquiétera d’un rebond au second semestre 2023 et au-delà si la croissance des salaires ne ralentit pas », souligne Ian Shepherdson, économiste pour Pantheon Macroeconomics.

L’inflation a ralenti en octobre, à 7,7 % sur un an, un plus bas depuis janvier 2022, selon l’indice CPI qui fait référence.

Le président américain Joe Biden a cependant averti jeudi qu’« il faudra du temps pour ramener l’inflation à la normale — et il pourrait y avoir des revers en cours de route ».

Récession en vue ?

« Bien que la croissance des salaires se soit accélérée le mois dernier, elle reste inférieure au rythme de l’inflation, ce qui signifie que les ménages auront de plus en plus de mal à gérer ces coûts plus élevés », relève cependant le chef économiste de l’association des banquiers immobiliers (MBA), Mike Fratantoni.

Et « malgré ce rapport meilleur qu’attendu », il anticipe toujours « une récession aux États-Unis au premier semestre 2023 ».

Le président de la Fed Jerome Powell s’est cependant montré mercredi optimiste sur les chances de parvenir à ramener l’inflation dans les clous, sans pour autant faire plonger les États-Unis dans la récession.

Les signaux sont mitigés. D’un côté la consommation reste soutenue et l’emploi toujours très solide. De l’autre, l’activité manufacturière s’est contractée en novembre, pour la première fois depuis mai 2020, a montré jeudi l’indice ISM.

Malgré une hausse des annonces de suppressions de postes, le nombre d’emplois supprimés depuis le début de l’année (320 173) reste particulièrement bas, selon une étude du cabinet de consultants Challenger, Gray & Christmas, publiée jeudi.

A une exception près : le secteur de la tech, qui connaît son niveau de licenciements le plus élevé des 20 dernières années, après avoir embauché à tour de bras depuis le début de la pandémie, détaille l’étude.

Plusieurs entreprises de la Silicon Valley, comme Meta, Twitter, Lyft, ou encore HP, ont récemment annoncé des réductions d’effectifs conséquentes.