L’économie russe résiste encore, malgré le nombre inouï de sanctions qui s’est abattu sur le pays de Vladimir Poutine depuis qu’il a envahi l’Ukraine en février dernier. Les sanctions économiques seraient-elles encore moins efficaces qu’on le croyait ?

Après neuf mois de guerre, force est de constater que l’économie russe ne s’est pas écroulée. En fait, contre toute attente, le pays enregistre plus de succès sur le plan économique que militaire depuis le début des hostilités.

Les revenus continuent d’affluer dans les coffres de l’État russe, grâce au pétrole et au gaz naturel qui trouvent encore preneurs à des prix plus élevés qu’avant la guerre. La Russie profite aussi de l’augmentation des prix de plusieurs autres de ses exportations, comme les fertilisants et le blé.

La crise financière annoncée ne s’est pas produite, malgré l’utilisation de ce qui était considéré comme l’arme nucléaire dans l’arsenal de sanctions, soit l’éviction de la Russie du système international de paiement Swift. Tout indique que la Russie a trouvé d’autres canaux pour réaliser ses transactions internationales.

Même le rouble, dont la valeur avait plongé au début du conflit, s’est rétabli rapidement, et a maintenu sa valeur, grâce au contrôle des capitaux imposés par la Banque de Russie. La chute brutale des importations aide aussi l’économie russe à minimiser l’effet des sanctions.

Le produit intérieur brut de la Russie devrait diminuer d’au moins 3,4 % en 2022 et d’au moins 2,3 % en 2023, selon des estimations réalisées par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation pour la coopération et le développement économique, et citées par le Conseil de l’Union européenne1.

Un recul important est donc à prévoir, mais pas un effondrement de l’économie russe comme on aurait pu s’y attendre après le départ des entreprises étrangères et la pluie de sanctions imposées à la Russie. À elle seule, l’Europe en est rendue à son huitième train de mesures adoptées depuis le 28 février 2022. L’Australie, le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse et le Japon ont aussi contribué à l’effort de guerre contre la Russie en multipliant les sanctions contre les entreprises et les particuliers russes.

Après neuf mois donc, on ne peut pas dire que le bilan de ces milliers de sanctions soit très positif. La guerre se poursuit et le conflit ne donne aucun signe de résolution à l’approche d’un hiver qui sera sans aucun doute atroce en Ukraine et dans toute l’Europe. Il faudra voir si certaines des mesures adoptées, mais pas encore mises en vigueur, changeront la donne. L’application de plusieurs sanctions a été décalée dans le temps pour permettre aux pays qui subissent les contrecoups de se préparer.

Ainsi, l’Union européenne a décidé d’interdire l’achat de pétrole russe, mais cette interdiction n’est pas encore en vigueur. Celle-ci le sera à la fin de l’année et devrait creuser un trou profond dans les finances russes.

Mais il faudra peut-être aller encore plus loin pour empêcher la Russie de financer sa guerre en vendant son pétrole et son gaz naturel à d’autres pays. Les moyens qui restent sont limités et, surtout, ils divisent profondément les pays alliés contre la Russie.

Par exemple, l’Europe et le Royaume-Uni se sont entendus pour empêcher les assureurs et les réassureurs européens d’assurer les navires qui transportent du pétrole russe vers les pays encore prêts à en acheter. Sans assurance pour couvrir leurs activités, les transporteurs maritimes hésiteront à aider les Russes à maintenir leurs exportations. Cette mesure, qui devrait entrer en vigueur le 5 décembre, inquiète certains pays, dont les États-Unis, qui craignent qu’elle provoque le chaos dans le marché pétrolier. Ils ont réussi à en atténuer l’impact. Un plafond au prix du pétrole a été suggéré, pour que seulement le pétrole vendu à un prix inférieur à ce prix plafond puisse voyager dans des cargos assurés, ce qui réduirait les revenus que les Russes peuvent en retirer.

Les discussions se poursuivent sur ce qui pourrait bien être l’ultime sanction possible contre la principale arme de guerre de la Russie, son pétrole. Après ça, en attendant que l’arsenal des sanctions continue de gruger lentement l’économie russe, il faut reconnaître que cette contre-attaque des pays alliés a atteint sa limite.

1. Consultez la publication du Conseil de l’Union européenne (en anglais)