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À part les épargnants, à qui profitent les taux d’intérêt élevés ?

C. Rivet

Pour répondre adéquatement à cette question, La Presse a fait appel à Nathalie Elgrably, économiste principale à l’Institut économique de Montréal et enseignante au niveau universitaire.

« Afin d’identifier qui gagne et qui perd avec des taux d’intérêt élevés, on peut d’abord distinguer deux types d’intervenants économiques : les prêteurs et les emprunteurs », signale d’emblée Mme Elgrably.

De façon générale, les prêteurs profitent d’une hausse de revenus en intérêt sur les fonds prêtés. Toutefois, leur niveau de « profit » en situation de hausse de taux d’intérêt dépend de leur coût d’accès à ces fonds et des capitaux disponibles pour ces prêts.

PHOTO FOURNIE PAR L’INSTITUT ÉCONOMIQUE DE MONTRÉAL

Nathalie Elgrably, économiste principale à l’Institut économique de Montréal et enseignante d’économie au niveau universitaire

Par exemple, explique Nathalie Elgrably, les banques ne feront pas nécessairement plus de « profit » de revenus d’intérêt avec leurs prêts aux individus et aux entreprises si leur coût d’accès aux capitaux interbancaires, en particulier le taux d’intérêt directeur établi par la Banque du Canada, est aussi plus élevé.

Moins de demandes de prêts

De plus, en situation de hausse des taux d’intérêt, les revenus et les profits des banques provenant de leurs activités de prêts peuvent stagner ou même diminuer si la hausse des taux d’intérêt freine beaucoup la demande de prêts chez les particuliers et les entreprises.

D’ailleurs, c’est parmi les emprunteurs les plus endettés que la hausse des taux d’intérêt peut s’avérer très coûteuse à court et à moyen terme. A priori dans le cas des emprunts à taux variable, et de ceux dont le renouvellement est imminent à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés.

Les particuliers et les entreprises les plus endettés, dont les revenus nets sont stagnants ou déclinants, sont particulièrement vulnérables à l’impact budgétaire de la forte remontée des taux d’intérêt.

Cette vulnérabilité commence d’ailleurs à se manifester dans le nombre croissant de cas d’insolvabilité qui s’inscrivent ces temps-ci auprès des autorités financières et juridiques.

Épargnants

Quant aux épargnants qui pourraient « profiter » de taux d’intérêt accrus, l’économiste Nathalie Elgrably avertit qu’il serait erroné de présumer d’emblée qu’ils s’en tirent gagnants en ce qui concerne le rendement net de leur épargne.

Pourquoi ?

« Pour bien comprendre le taux de rendement de l’épargne, et donc l’évolution du pouvoir d’achat des épargnants, c’est important de distinguer entre le rendement brut selon le taux d’intérêt nominal et le rendement net selon le taux d’intérêt réel après l’impact négatif de l’inflation », signale Mme Elgrably, en discussion avec La Presse.

L’évolution du pouvoir d’achat des épargnants est directement affectée par le taux d’inflation, en particulier parmi les gens à revenus stagnants ou fixes. Par conséquent, même si le taux d’intérêt sur l’épargne augmente, les épargnants ne sont pas “gagnants” en termes de protection de leur pouvoir d’achat tant que le taux d’inflation demeure plus élevé.

Nathalie Elgrably, économiste principale à l’Institut économique de Montréal et enseignante d’économie au niveau universitaire

« L’évolution du pouvoir d’achat des épargnants est directement affectée par le taux d’inflation, en particulier parmi les gens à revenus stagnants ou fixes. Par conséquent, même si le taux d’intérêt sur l’épargne augmente, les épargnants ne sont pas “gagnants” en termes de protection de leur pouvoir d’achat tant que le taux d’inflation demeure plus élevé », explique Nathalie Elgrably.

« Ces temps-ci, par exemple, avec le taux d’inflation encore aux environs de 6 %, les épargnants dont le taux d’intérêt sur leurs dépôts aurait augmenté aux environs de 4 % demeurent “perdants” de l’ordre de 2 % par an avec l’évolution de leur pouvoir d’achat. »

« Taxe sur l’épargne »

En quelque sorte, souligne Mme Elgrably, l’inflation représente l’équivalent d’une « taxe sur l’épargne » par la façon dont elle gruge et appauvrit le pouvoir d’achat des épargnants.

Et ce, malgré la hausse du rendement en revenus d’intérêt sur cette épargne qui découle en fait d’une décision de politique monétaire de la Banque du Canada, qui vise à réduire l’inflation en haussant le coût du crédit afin de freiner la demande de biens et de services dans l’économie.

« L’exemple courant le plus évident de l’impact de cette politique monétaire restrictive peut être observé dans le marché de l’immobilier résidentiel », conclut Nathalie Elgrably.

« La forte hausse des taux d’intérêt hypothécaires depuis le début de l’année a fait chuter le nombre et le prix moyen des transactions de leurs niveaux de surchauffe d’il y a quelques mois à peine. »

Consultez notre section « Démystifier l’économie »

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