(Ottawa) Face aux turbulences qui risquent de plonger l’économie canadienne en récession en 2023, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, propose une série de mesures ciblées pour soutenir les travailleurs à faible revenu, les étudiants et les petites entreprises. Le but : donner un coup de pouce financier à ceux qui sont durement touchés par la hausse du coût de la vie sans alimenter l’inflation.

Dans son énoncé économique présenté jeudi, Mme Freeland utilise une partie de la manne imprévue dans le dernier budget en raison des prix des matières premières plus élevés et d’une inflation plus forte (environ 30 milliards) afin de bonifier l’Allocation canadienne pour les travailleurs et éliminer de façon permanente la portion fédérale des intérêts sur tous les prêts d’études et les prêts aux apprentis, entre autres mesures.

Malgré l’incertitude qui plane sur l’économie mondiale et la volatilité des marchés, Ottawa prévoit un déficit moins élevé que prévu en 2022-2023, soit 36,4 milliards de dollars au lieu de 52 milliards dans le budget déposé en avril.

Le manque à gagner devrait s’élever à 30,6 milliards en 2023-2024 et à 25,4 milliards durant l’exercice financier suivant. Le retour à l’équilibre budgétaire est prévu en 2027-2028 (surplus de 4,5 milliards).

« Le Canada ne peut pas éviter le ralentissement mondial. Pas plus que nous n’aurions pu empêcher la COVID-19 d’atteindre nos côtes après qu’elle avait commencé à se propager dans le monde. Mais nous serons prêts. En fait, nous sommes prêts », a déclaré Mme Freeland dans un discours à la Chambre des communes.

Dans le cas de l’Allocation canadienne pour les travailleurs, le gouvernement Trudeau veut émettre des paiements anticipés aux quelque trois millions de travailleurs à faible revenu qui y ont droit depuis 2021 au lieu d’attendre qu’ils aient rempli leur déclaration de revenus. Cette mesure, répartie sous forme de trois paiements anticipés, offrira en tout jusqu’à 714 $ pour les travailleurs célibataires et 1231 $ pour une famille.

En ce qui a trait aux prêts étudiants, le gouvernement avait déjà annoncé la suspension des frais d’intérêts pendant deux ans en 2021. Cette mesure devait prendre fin le 31 mars 2023. Ottawa choisit maintenant d’éliminer de façon permanente les frais d’intérêts à compter de cette date – un soulagement financier pour les étudiants qui coûtera au fisc environ 550 millions de dollars par année.

Les petites entreprises, elles, obtiendront une réduction des frais sur les transactions effectuées au moyen de cartes de crédit. Cette réduction sera soit négociée avec les entreprises de cartes de crédit, soit imposée par voie législative d’ici l’an prochain.

« Nous travaillons à réduire les frais de carte de crédit pour que les petites entreprises n’aient pas à choisir entre réduire leurs marges déjà étroites et répercuter les frais à leurs consommateurs », avance Mme Freeland.

À ces mesures d’aide, il faut ajouter les mesures déjà annoncées au cours des dernières semaines pour aider les familles à faible revenu à affronter la hausse du coût de la vie, soit le doublement du crédit d’impôt pour la TPS au cours des six prochains mois (2,475 milliards de dollars), le supplément de l’Allocation canadienne pour le logement non imposable de 500 $ (1,1 milliard) et le nouveau programme national de soins dentaires.

Dans l’énoncé économique, le gouvernement Trudeau met de côté 1,3 milliard pour reconstruire les régions des provinces atlantiques et de l’est du Québec qui ont été ravagées par le passage de l’ouragan Fiona en septembre.

Emboîtant le pas à l’administration Biden à Washington, Mme Freeland compte par ailleurs imposer une taxe sur les sociétés de 2 % qui s’appliquera à la valeur nette de tous les types de rachats d’actions par des sociétés publiques au pays. Les détails de cette taxe seront annoncés dans le prochain budget fédéral, prévu en février ou en mars. La taxe, qui devrait rapporter quelque 500 millions par année, entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Et pour accélérer l’évaluation et l’approbation des grands projets, la ministre propose de verser 1,3 milliard de plus sur six ans à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, à la Régie de l’énergie du Canada, à la Commission canadienne de sûreté nucléaire et à 10 autres ministères fédéraux.

Dans son énoncé économique, Mme Freeland confirme que l’économie canadienne va connaître « une période de croissance économique anémique ».

Dans son dernier budget présenté en avril, la ministre tablait sur une croissance de 3,1 % en 2023. Ce taux est nettement revu à la baisse six mois plus tard. On prévoit maintenant un faible taux de croissance de 0,7 %. Durant une séance d’information, un haut fonctionnaire a indiqué que le Canada traversera « une récession peu profonde et courte » l’an prochain.

Le taux de chômage devrait augmenter, passant de 5,4 % en 2022 à 6,1 % en 2023. Mais la hausse du taux de chômage sera nettement inférieure à celle qu’a connue le pays à la suite de la crise financière de 2008 (le taux de chômage avait atteint 8,7 % en juin 2009).

Quant à l’inflation, elle dépasse les prévisions contenues dans le dernier budget. Si on prévoyait il y a six mois un taux d’inflation de 3,9 % pour l’année en cours, on estime qu’il sera en moyenne de 6,8 %. Un peu de répit est attendu en 2023. L’inflation devrait être ramenée à 3,5 %. Mais il s’agit d’une révision à la hausse par rapport au dernier budget, où l’on misait sur un taux de 2,4 %. Un retour à la normale (2,1 %) est prévu en 2024.