N’importe quel pays du monde serait content d’accueillir chez lui le géant américain Apple qui voudrait y fabriquer ses produits haut de gamme. Pour l’Inde, où sera fabriquée la nouvelle génération d’iPhone, c’est peut-être la bonne nouvelle de l’année.

Dans les faits, Foxconn, sous-traitant d’Apple, fabrique déjà des iPhone en Inde depuis 2017. Mais la décision de produire le plus récent modèle (l’iPhone 14) en Inde plutôt qu’en Chine est une première pour l’entreprise américaine. C’est aussi un signe que les chaînes d’approvisionnement s’adaptent au nouveau contexte mondial.

Au pays de Narendra Modi, des changements importants s’observent depuis plusieurs années. Le premier ministre indien, en poste depuis 2014, tente avec acharnement de moderniser l’économie indienne. On peut dire qu’il a commencé par le commencement en s’engageant à construire plus de 100 millions de toilettes et en réalisant cet engagement, pour lequel il a reçu un prix de la Fondation Bill et Melinda Gates.

Il reste sûrement beaucoup à faire, mais lentement le gros paquebot de 1,4 milliard d’habitants change de cap.

La récente décision d’Apple de transférer une partie de sa production de la Chine vers l’Inde peut être vue comme une victoire pour le gouvernement indien, qui a lancé en 2020 un programme pour attirer l’investissement dans le secteur manufacturier. Le programme propose toutes sortes d’allègements fiscaux et la possibilité d’acquérir des terrains pour les entreprises de tous azimuts, des voitures aux drones et des textiles aux médicaments.

C’est ainsi que l’Inde est entrée dans la course aux investissements dans les semi-conducteurs, en concurrence avec les États-Unis et l’Europe, qui veulent rapatrier la production de cette composante essentielle pour le monde d’aujourd’hui. Des intéressés ont déjà commencé à se manifester.1

Le succès de la stratégie du gouvernement indien reste encore à prouver, mais le pays semble être sur la bonne trajectoire. Selon le Fonds monétaire international, l’Inde devrait connaître cette année la plus forte croissance économique au monde, soit autour de 7 %, et rééditer l’exploit l’an prochain.

Mesurée en termes de produit intérieur brut, l’économie indienne vient de surpasser celle de la Grande-Bretagne, son ancien maître colonial. L’Inde est maintenant la cinquième économie mondiale et devrait continuer de grimper au classement.

L’Inde profite des tensions géopolitiques actuelles. Le pays n’a pas condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie et achète actuellement du pétrole russe à bon prix. Comme l’Inde importe 80 % de l’énergie dont elle a besoin, toutes les économies sont bonnes à prendre.

Aussi, les pays qui ont réalisé un peu tard qu’ils dépendent trop de la Chine tentent de diversifier leurs relations commerciales, ce qui profite à l’Inde. Pour Apple et son fournisseur Foxconn, entreprise taïwanaise dont le gouvernement est à couteaux tirés avec la Chine, le déplacement d’une partie de la production d’iPhone de la Chine vers l’Inde est certainement logique.

Mais ceux qui espéraient que la production industrielle revienne vers les pays industrialisés qui l’avaient sous-traitée en Asie devraient réduire leurs attentes.

Apple déplace sa production d’iPhone vers un autre pays où la main-d’œuvre est abondante et bon marché. Après l’Inde, l’entreprise lorgne aussi le Viêtnam pour y fabriquer de plus en plus d’autres produits, comme ses iPad et ses Apple Watch.2

Ce n’est pas demain la veille que les grands manufacturiers de ce monde renonceront volontairement pour des raisons patriotiques aux irrésistibles attraits des économies en émergence. Tant qu’il y en aura.

1. Lisez un article de CNBC (en anglais) 2. Lisez un article de TechCrunch (en anglais)