L’augmentation des prix de l’énergie en raison de la guerre en Ukraine a déclenché une grave crise en Europe, et cette crise a des répercussions jusqu’au Québec. Hydro-Québec fera le plein de profits avec ses exportations, mais de nombreux Québécois paieront plus cher pour se chauffer à l’hiver.

Pendant des années, les surplus d’électricité du Québec ont été exportés à un prix très bas sur le marché américain. La donne change et pour l’hiver qui vient, les exportations d’électricité seront probablement les plus rentables de l’histoire d’Hydro-Québec.

Le prix du gaz naturel dans le nord-est de l’Amérique du Nord, qui conditionne le prix de l’électricité sur les marchés d’exportation d’Hydro-Québec, a doublé depuis le début de l’année 2022. Entre janvier et juin, soit pendant la première moitié de l’année, les kilowatts exportés se sont vendus plus cher et ont rapporté des profits en hausse de 45 % par rapport à la même période de l’année précédente.

Même si les besoins en électricité sont importants au Québec pendant les mois d’hiver, Hydro-Québec réussit, bon an, mal an, à exporter entre 8 et 9 térawattheures par année sur les marchés voisins pendant la saison froide. Dans une année entière, les exportations atteignent quelque 35 térawattheures, soit 17 % des ventes totales d’électricité.

PHOTO HANNIBAL HANSCHKE, REUTERS

Point d’arrivée à Lubmin, en Allemagne, de conduites du gazoduc Nord Stream 1, un réseau qui relie la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique.

Le prix du gaz naturel devrait rester élevé pendant encore plusieurs mois, estiment les spécialistes interrogés par La Presse.

Même si la guerre en Ukraine prend fin, il est peu probable que la Russie redevienne un fournisseur de gaz naturel pour l’Europe.

Simon Langlois, chercheur associé à l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal

La demande mondiale qui continue d’augmenter va soutenir le prix du gaz partout dans le monde, y compris en Amérique du Nord, qui a profité depuis le boom du gaz d’une ressource abondante et peu chère. Sous forme liquide, le gaz naturel voyage de plus en plus, ce qui fait que son prix s’internationalise.

PHOTO GARETH FULLER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Navire transportant du gaz naturel liquéfié à l’approche d’un terminal situé près de Londres, en Grande-Bretagne

Depuis le début de la crise européenne, les États-Unis ont augmenté leurs exportations de gaz naturel liquide (GNL), au point de devenir le plus important exportateur mondial de GNL, devant le Qatar et l’Australie.

Le marché mondial qui s’ouvre ainsi permet aux producteurs de gaz naturel de profiter des prix plus élevés en Europe et au Japon, mais son prix augmente aussi sur le marché nord-américain.

« Le gaz naturel à 2 $ [US par MBTU], c’est fini », estime le professeur Sylvain Audette, professeur à HEC Montréal et associé à la Chaire de gestion du secteur de l’énergie.

Une manne temporaire

Les grands gagnants de ce nouvel environnement énergétique sont les producteurs de gaz nord-américains. « Plusieurs d’entre eux avaient réduit leur production et même cessé leurs activités parce que les prix étaient trop bas », rappelle le professeur Audette. Les prix élevés les ont remis à la tâche.

Hydro-Québec, de son côté, profite indirectement de cette manne, en vendant ses kilowatts plus cher sur les marchés de New York et de la Nouvelle-Angleterre.

La société d’État québécoise a toujours profité des hausses du prix du gaz, en été lors des périodes de canicule ou en hiver quand de grands froids sévissent dans le nord-est du continent. Mais ces pics de prix étaient la plupart du temps de très courte durée alors que les prix semblent vouloir se maintenir au niveau élevé actuel pour un certain temps, selon Sylvain Audette.

Comme le niveau d’eau dans les réservoirs est adéquat et que les prix sur le marché américain devraient rester élevés au cours des prochains mois, les exportations continueront d’être très rentables, a indiqué le mois dernier Jean-Hugues Lafleur, vice-président exécutif et chef de la direction financière d’Hydro-Québec, lors de la publication des résultats du deuxième trimestre.

Simon Langlois, de l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, souligne que cette période de grâce dont profite Hydro-Québec ne durera pas éternellement. « Avec les contrats à gros volume conclus avec New York et le Massachusetts, qui sont des contrats à prix fixes, Hydro-Québec aura moins d’énergie à exporter sur le marché spot et moins d’opportunités d’en profiter si les prix restent élevés, explique-t-il. En attendant, oui, ça joue à leur avantage. »

Le contrat d’approvisionnement signé par Hydro-Québec avec le Massachusetts doit entrer en vigueur en 2024 pour une durée de 20 ans. Celui conclu avec New York prévoit des livraisons à compter de 2025 pour une durée de 25 ans.

Prix robustes, bons rendements

  • Prix moyen obtenu à l’hiver 2021 : 5,1 ¢/kWh
  • Prix moyen obtenu à l’hiver 2022 : 7,4 ¢/kWh
  • Coût moyen de production : 1,93 ¢/kWh

Source : Hydro-Québec

Plus cher pour tout le monde

Se chauffer coûtera plus cher au Québec, mais pas seulement pour les raisons liées au contexte international. Survol.

Gaz naturel : + 7, 8 %

Après avoir encaissé une augmentation historique de 15,6 % de leur tarif l’an dernier, les consommateurs québécois de gaz naturel font face cette année à une autre hausse importante d’au moins de 7,8 % cet automne.

La demande de hausse de tarifs d’Énergir actuellement examinée par la Régie de l’énergie concerne uniquement les services de transport et de distribution de l’entreprise, auxquels s’ajoutera une augmentation du coût du gaz naturel qui variera selon la consommation. Le prix du gaz naturel pour Énergir et ses clients est en hausse de 40 % depuis l’an dernier.

Quelque 100 000 ménages québécois utilisent le gaz naturel pour se chauffer.

Mazout : + 18 %

Les consommateurs résidentiels de mazout se font de plus en plus rares au Québec, mais ceux qui utilisent toujours cette source d’énergie devront payer plus cher pour se chauffer cet hiver. La hausse du prix du pétrole brut a entraîné avec elle les produits dérivés comme le mazout. Le prix moyen d’un litre de mazout, qui était de 1,40 $ au Québec l’hiver dernier, atteint actuellement 1,65 $, selon la Régie de l’énergie.

Électricité : + 2,6 %

Les tarifs d’électricité ont augmenté de 2,6 % en avril dernier. C’est donc à compter de l’hiver qu’ils auront un plein impact sur la facture de chauffage des Québécois, qui sont une majorité à se chauffer à l’électricité.

Une autre augmentation des tarifs d’électricité s’annonce pour le 1er avril prochain, qui devrait être de 3 %. L’augmentation des tarifs d’électricité, qui devait suivre l’inflation, a dû être limitée à 3 % par le gouvernement en raison d’un taux d’inflation très supérieur aux prévisions.

Quand on se compare…

Tarifs d’électricité résidentiels

  • Boston : 26 cents US/kWh
  • New York : 24 cents US/kWh
  • Montréal : 7,1 cents CAN/kWh

Sources : US Bureau of Labor Statistics et Hydro-Québec