Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Je me demande comment sont influencés les taux obligataires qui dictent les taux hypothécaires fixes. Contrairement aux annonces médiatisées de la banque centrale qui nous informent sur les hausses des taux variables à venir, les taux fixes restent un réel mystère et leurs fluctuations m’apparaissent impossibles à prévoir. J’ai lu sur la question, mais sans arriver à bien comprendre les mécanismes. Faites preuve de pédagogie, s’il vous plaît.

Sophie B.

Il faut d’abord comprendre que « pour prêter de l’argent aux particuliers, les institutions doivent se financer », explique Hendrix Vachon, économiste principal chez Desjardins.

Ces institutions utilisent les mêmes outils et font appel aux mêmes ressources que le gouvernement fédéral : elles proposent aux investisseurs d’acquérir des obligations — ni plus ni moins qu’un prêt accordé à l’institution par l’investisseur, remboursé à la fin du terme convenu, et bonifié d’un taux d’intérêt déterminé au départ.

Et c’est ainsi que, emprunt d’un côté et prêt de l’autre, les taux obligataires influencent les taux hypothécaires fixes.

Toutefois, l’institution ne doit pas s’attendre « à avoir un taux aussi bon que celui que le gouvernement fédéral va obtenir », ajoute notre économiste. « Notre cote de risque n’est pas la même. »

Aucune institution n’a une meilleure cote de risque que le gouvernement fédéral : le risque de ne pas être remboursé quand on acquiert une obligation gouvernementale est infime.

Pour convaincre les investisseurs d’acheter plutôt les obligations d’une institution financière, il faut leur proposer un rendement légèrement plus élevé afin de compenser ce risque.

Ici s’ajoute un facteur psychologique : la perception de ce risque par les investisseurs.

Or, cette perception est largement tributaire du contexte économique : croissance ou ralentissement, inflation, situation géopolitique…

Si les investisseurs sont plus nerveux, moins enclins à prendre du risque, ils vont être moins enclins à prêter aux institutions financières.

Hendrix Vachon, économiste principal chez Desjardins

On pourra les y inciter en leur offrant un taux d’intérêt plus alléchant.

L’influence de la Banque du Canada

Les variations du taux directeur de la Banque du Canada ont un effet immédiat sur les prêts hypothécaires à taux variables, mais elles exercent également une influence sur les taux obligataires, et par ricochet sur les taux des hypothèques à taux fixe.

Comment ?

Essentiellement par leur impact sur les perspectives d’avenir des investisseurs, et par conséquent sur le risque perçu, expose Hendrix Vachon.

« Si le discours de la Banque est assez agressif en matière de taux d’intérêt, si elle annonce qu’il pourrait y avoir de nombreuses autres hausses, cela fera augmenter les taux obligataires. »

Les taux hypothécaires fixes prendront par conséquent la même direction.

Deux autres couches

Ajoutons encore deux autres couches.

Entre les taux obligataires et les taux hypothécaires fixes, les institutions financières appliquent une marge d’« intermédiation financière ». En termes moins policés : une marge de profit. « Il faut au moins couvrir nos frais, il faut payer les employés », fait valoir Hendrix Vachon.

Toutefois, avant que le produit hypothécaire soit proposé aux consommateurs, le marketing a encore son mot à dire.

« Il y a de la concurrence entre les institutions financières, indique l’économiste. Elles pourraient essayer de se positionner davantage sur un type de produit hypothécaire, ou de favoriser une autre échéance de prêt pour diversifier leur portefeuille hypothécaire. Ça aussi peut avoir une influence sur les taux. »

Mais en définitive, Sophie peut retenir que « le gros du morceau, c’est quand même les mouvements des taux obligataires du gouvernement fédéral ».

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