(Montréal) Les hausses de taux d’intérêt tirent à leur fin, mais les Canadiens et les Québécois devront attendre encore au moins un an avant de les voir redescendre et se préparer, d’ici là, à faire face à une « légère » récession.

Dans une mise à jour des prévisions économiques du Mouvement Desjardins, mardi, le vice-président et économiste en chef de l’institution, Jimmy Jean, a dressé le portrait d’une situation économique mise sous tension par une inflation que les banques centrales de tous les pays tentent à tout prix de juguler par des hausses des taux directeurs.

Un dernier coup en octobre

Le Canada, dit-il, bénéficiera en quelque sorte de son taux d’endettement élevé.

« On a besoin de moins de resserrement monétaire au Canada pour opérer le même ralentissement que dans d’autres pays où ce taux d’endettement est moins élevé. » Pourtant, ajoute-t-il, « la Banque du Canada est parmi les banques centrales qui augmentent ses taux d’intérêt le plus agressivement au monde ».

Il croit toutefois qu’on arrive au bout du cycle.

« On s’attend à ce qu’il y ait une autre hausse des taux d’intérêt en octobre, de 50 points de base, mais que ça se conclue par la suite parce que sinon, on risque […] d’aggraver la récession. »

Un atterrissage en douleur

Par contre, il ne faut pas s’attendre à un répit à court terme, mais bien à ce l’on vive « un atterrissage plus en douleur qu’en douceur. On pensait que ce serait possible d’opérer un atterrissage en douceur, mais c’est moins le cas en ce moment. »

Parce que oui, dit-il, le Canada s’en va en récession : « 2023 se conclut en une récession, une récession légère », précise-t-il, mais une récession tout de même.

Et il explique que cette situation n’est pas une source de préoccupation en soi pour une banque centrale, car la mission d’une telle institution est d’abord de juguler l’inflation avant qu’elle ne devienne une spirale de hausses salariales et de croissance de prix.

« Le rôle de la Banque centrale, son mandat, ce n’est pas d’empêcher des récessions. En fait, on pourrait même argumenter que si une récession est le passage obligé pour qu’elle réussisse à rencontrer son mandat de 2 % (d’inflation), elle est prête à vivre avec cette situation. »

Appel à la responsabilité des gouvernements

En même temps, dit-il, « il ne faut pas que la Banque du Canada pousse la note » et pour cela, les gouvernements doivent l’aider en agissant « de manière responsable ».

Un avertissement à cet effet est venu pas plus tard que cette semaine du Royaume-Uni, où l’on a décidé d’accorder d’importants allègements fiscaux. Cette décision a non seulement fait chuter les marchés et la devise, mais l’économiste en chef de la Banque centrale d’Angleterre a averti que celle-ci devrait probablement donner un tour de vis supplémentaire, ce qui risque d’aggraver la récession.

Mais si la Banque du Canada, comme il l’entrevoit, cesse d’augmenter son taux directeur après un dernier coup en octobre, comment se fait-il qu’il faudra attendre un an avant qu’elle commence à le réduire et de voir les taux d’intérêt suivre ? « Le début de la baisse des taux devrait être en fin 2023 », insiste Jimmy Jean, et ce, même si on s’attend à voir des signes de fléchissement de l’inflation dès le début de l’an prochain.

D’abord l’inflation, ensuite les taux

« En temps normal, on aurait pensé que, dès les premiers signes d’affaiblissement (de l’inflation), les banques centrales se remettraient à donner un petit peu de répit. Or, ce n’est pas ce qu’on risque de voir parce que les banques centrales ont été échaudées par ce qui s’est passé au niveau de l’inflation et des anticipations de l’inflation (qui ont été sous-évaluées). Elles vont vouloir en faire plus qu’en faire moins, c’est-à-dire maintenir les taux plus élevés, plus longtemps. »

Selon les prévisions de Desjardins, l’inflation devrait être maîtrisée de façon plus certaine vers la fin 2023.

« À ce moment-là, on s’attend à ce que l’inflation soit revenue à la cible de 2 % et à ce moment-là, on va commencer une baisse des taux. »

M. Jean avertit toutefois que l’on n’est pas susceptible de revoir les niveaux de 0,25 % qu’on a connus ces dernières années, mais plutôt des taux directeurs de 2 % ou 2,5 %.

Les taux variables bientôt plus intéressants

C’est d’ailleurs en raison de ce délai d’environ un an entre la fin des hausses de taux directeur et le début des baisses que l’économiste ne croit pas qu’il y aura un répit pour les acheteurs de maison dans l’immédiat, malgré la correction que l’on constate dans le marché immobilier.

La prévision d’une baisse moyenne de 24 % des prix au Canada et de 17 % au Québec tient toujours, selon lui. Mais l’augmentation constante du coût des prêts hypothécaires vient entièrement annuler ce gain d’abordabilité.

Par contre, s’il s’attend à ce que les banques centrales mettent leurs taux directeurs sur pause et s’immobilisent en attendant de voir l’inflation clairement mâtée, « les marchés, eux, risquent d’intégrer dans leur structure interne des baisses de taux éventuelles, ce qui va faire en sorte que, par exemple, au niveau des taux cinq ans, on risque de voir les taux diminuer ».

Il s’attend également, dans cette optique, à voir les taux variables suivre cette tendance et il conclut que, dans un contexte où des baisses de taux sont prévisibles, le choix d’un taux variable « me semble justifié », dit-il, sans toutefois vouloir se faire conseiller en la matière.