(Washington) Les responsables de la banque centrale américaine (Réserve fédérale) ont exprimé en juin leur vive inquiétude que l’inflation vertigineuse puisse s’enraciner et réitéré leur volonté de continuer à relever les taux d’intérêt pour atténuer les pressions sur les prix, selon le compte rendu de leur dernière réunion publié mercredi.

Lors de la réunion du Comité de politique monétaire les 14 et 15 juin, ils ont pris acte du fait que « les pressions inflationnistes [n’avaient] pas encore montré de signes de ralentissement ».

En d’autres termes, la hausse des prix pourrait être « plus persistante qu’ils ne l’avaient prévu auparavant », selon le document, les fameuses « minutes » de la Réserve fédérale (Fed).

Lors de cette réunion, ils ont procédé à une hausse des taux d’intérêt de 0,75 point de pourcentage, soit la plus forte en près de 30 ans.

Et ils n’excluent pas de procéder à une hausse similaire à leur prochaine réunion, les 26 et 27 juillet.

Alors que les économistes s’attendaient à un ralentissement de l’inflation, les prix à la consommation ont bondi de 8,6 % en mai sur un an, soit le niveau le plus élevé depuis plus de quatre décennies.

De nombreux décideurs de la Fed y ont donc vu « un risque important […] qu’une inflation élevée puisse s’enraciner » tandis que l’opinion publique pourrait « remettre en question la détermination du Comité » à juguler la spirale inflationniste.

Aussi le compte rendu insiste-t-il sur le fait que les responsables sont déterminés à poursuivre leurs efforts pour refroidir l’économie au moins jusqu’à la fin de l’année.

Comment contrôler les prix ?

Avec les prix élevés de la nourriture, de l’énergie, du logement et d’autres biens qui pèsent sur les familles américaines, les responsables de la Fed « ont souligné qu’un raffermissement approprié de la politique monétaire, associé à des communications claires et efficaces, serait essentiel pour rétablir la stabilité des prix ».

Pourtant, la volonté de contrôler les prix pourrait s’avérer délicate dans un contexte international marqué par la poursuite de la guerre en Ukraine et une série de confinements en Chine qui ont perturbé encore davantage la chaîne d’approvisionnement.

Les responsables de la banque centrale américaine ont par conséquent reconnu qu’ils pourraient devoir être encore plus agressifs dans le resserrement de la politique monétaire, « si les pressions inflationnistes élevées devaient persister ».

Conjoncture incertaine

L’inflation record grignote le pouvoir d’achat des ménages et a fait plonger la cote de popularité du président démocrate Joe Biden.

À l’approche des élections de mi-mandat de novembre, la tâche du président de la Fed, Jerome Powell, est bien complexe puisqu’il doit réduire l’inflation sans faire dérailler l’économie américaine, ce qui serait encore plus dévastateur pour le locataire de la Maison-Blanche.

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Jerome Powell, président de la Réserve fédérale des États-Unis

Jusqu’à récemment, Jerome Powell pensait pouvoir combattre l’inflation tout en évitant une récession.

Mais le mois dernier, il a reconnu qu’une contraction du produit intérieur brut (PIB) n’était pas totalement inévitable, même si ce n’était pas le but de la hausse des taux.

Depuis, la possibilité d’une récession a fait chuter les marchés boursiers mondiaux au cours des dernières semaines.

Joe Biden a salué les efforts de la banque centrale et escompte un ralentissement de l’inflation pour éviter que les élus démocrates ne perdent le contrôle du Congrès aux élections de novembre.

Les taux, qui avaient été abaissés presque à zéro en mars 2020, ont commencé à être relevés en mars dernier pour tempérer la demande soutenue des consommateurs américains pour les maisons, les voitures et les autres biens.

Outre la demande, les problèmes de logistique et les pénuries de travailleurs ont largement alimenté l’inflation depuis l’an passé.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie puis les sanctions contre Moscou ont, elles, exacerbé la hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant.

Les responsables de la Fed ont constamment répété qu’ils scruteraient mois par mois les indicateurs économiques pour décider ou non de nouvelles hausses de taux.

Vendredi, le département du Travail publiera les chiffres des créations d’emplois et le taux de chômage.