La stratégie de la Banque du Canada consistant à augmenter rapidement son taux d’intérêt directeur dans le but de lutter contre l’accélération de l’inflation déclenchera probablement une récession, conclut une nouvelle étude du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).

Selon l’étude, la banque centrale a eu un taux de réussite de zéro % avec cette approche ces 60 dernières années. Pendant cette période, l’inflation annuelle a diminué de 5,7 points de pourcentage à trois reprises, chaque fois après de fortes hausses de taux d’intérêt et une récession, a souligné l’analyse.

L’institut de recherche note que l’opération de la banque centrale visant à ramener l’inflation de 7,7 % à son objectif de 2,0 % en augmentant rapidement les taux pourrait entraîner d’importants « dommages collatéraux », notamment la perte de 850 000 emplois. Il appelle en outre la banque centrale à adopter une nouvelle politique sur l’inflation pour réduire ce risque.

L’économiste Jennifer Lee, de BMO Marchés des capitaux, s’attend à une augmentation de 0,75 point de pourcentage du taux directeur de la Banque du Canada la semaine prochaine. Selon elle, les hausses rapides et dynamiques entraîneront « à coup sûr » un ralentissement important de la croissance économique.

« Que ce soit ou non une récession officielle reste à voir, mais manifestement, ce sera un ralentissement significatif », a-t-elle expliqué.

Elle a également noté que la banque centrale disposait actuellement de peu d’alternatives pour lutter contre l’inflation.

« Des hausses de taux sont nécessaires en ce moment – des plus importantes – pour tuer ce monstre d’inflation le plus tôt possible », a-t-elle estimé.

David Doyle, chef des études économiques pour le Groupe Macquarie, mise également sur une hausse de 0,75 point ce mois-ci, et prévoit une récession en 2023 au Canada et aux États-Unis.

« Nous nous attendons à ce que la contraction soit plus importante au Canada en raison de ses déséquilibres structurels plus graves, tels que l’investissement dans le logement et les niveaux d’endettement des consommateurs », a-t-il expliqué.

Le Canada connaît déjà un ralentissement de la croissance économique et voit même des mises à pied dans certains secteurs, comme celui de la technologie.

Statistique Canada a indiqué, la semaine dernière, s’attendre à faire état d’une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 0,2 % pour le mois de mai, dans un contexte de faiblesse des secteurs des ressources, de la fabrication et de la construction.

Dans son étude, le CCPA a indiqué que la Banque du Canada pourrait potentiellement réduire le risque d’envoyer l’économie en récession en ajustant son taux d’inflation cible à 4,0 %. L’étude a mis en évidence la façon dont la banque a réussi à éviter une récession lorsqu’elle visait de plus petites réductions de l’inflation, ce qui lui a permis, par le passé, d’introduire de plus petites augmentations de taux sur des périodes plus longues.

Cependant, M. Doyle a ajouté que porter la cible de l’inflation à 4,0 % serait une « mauvaise idée ».

« Cela nuirait à la crédibilité et à l’indépendance de la Banque du Canada et créerait plus d’incertitude, a-t-il précisé. Cela augmenterait également le risque d’un scénario baissier sévère, où il y aurait un désencrage des attentes d’inflation des consommateurs et des entreprises. »

L’étude du CCPA intervient au lendemain de la publication de deux sondages trimestriels de la Banque du Canada, qui ont révélé que les consommateurs et les entreprises s’attendaient à ce que l’inflation reste élevée pendant plusieurs années, ce qui augmente la probabilité de voir une hausse de trois quarts de point de pourcentage la semaine prochaine.

Quant au temps qu’il faudrait pour atteindre l’objectif d’inflation de 2,0 % de la banque centrale, Mme Lee a estimé que l’inflation reviendrait probablement à 3,0 % d’ici la fin de 2023, puis à 2,0 % en 2024 ou en 2025.