Les coûts engendrés par les évènements climatiques et la transition écoénergétique viendront peser tout autant sur l’économie et les marchés financiers que l’inflation. Un phénomène nommé inflation verte (greenflation en anglais) sur lequel s’attarde le plus récent rapport spécial de la Direction des études économiques du Mouvement Desjardins. Résumé des principaux constats.

Qu’est-ce que la greenflation ?

« C’est maintenant clair que la transition énergétique ainsi que le réchauffement climatique changeront la manière dont notre société fonctionne », indique d’emblée l’économiste Marc-Antoine Dumont, qui a préparé le rapport d’analyse, pour expliquer l’origine du concept de greenflation.

« Qu’on parle de l’achat de biens écoresponsables, du resserrement des normes environnementales ou encore de la montée du niveau des océans, ces changements risquent de transformer l’environnement économique et financier tel que nous le connaissons. Cela pourrait créer des débalancements où l’offre [de certains biens et services] serait inférieure à la demande et ainsi provoquer des hausses de prix, un phénomène connu sous le nom de greenflation. »

Quelles causes principales ?

L’économiste Marc-Antoine Dumont identifie deux causes principales du risque d’inflation verte : des évènements climatiques affectant la production et l’offre de biens essentiels, surtout en agriculture, ainsi que les pénuries de matières premières et de capacité de production de biens essentiels à la transition énergétique (NDLR : hors des énergies fossiles).

« La première cause de greenflation est assez simple. C’est un évènement météorologique extrême, comme une tempête qui détruit ou qui endommage des lieux de production, limitant ainsi l’offre d’un bien ou d’une denrée et, conséquemment, causant une hausse de prix », explique M. Dumont.

Or, « la destruction de l’offre par des évènements météorologiques extrêmes est malheureusement un phénomène de plus en plus fréquent. Il y a un effet important sur l’approvisionnement en matières premières, surtout en agriculture, avec une baisse des rendements de certaines cultures de base comme le maïs, le riz et le blé ».

Sous-offre de biens écoénergétiques ?

« Face aux incontournables conséquences du réchauffement climatique, de plus en plus d’individus adaptent leurs habitudes de consommation et de transport afin de minimaliser leur empreinte carbone », note l’économiste Marc-Antoine Dumont pour expliquer la deuxième cause principale de greenflation.

Par exemple, « l’abordabilité accrue de plusieurs technologies vertes, conjuguée à des mesures d’appui gouvernementales, entraîne une nette hausse des achats de biens et services plus propres comme les voitures électriques ».

Or, constate M. Dumont, « le déploiement massif des véhicules électriques, de l’énergie éolienne ou de l’énergie solaire demande une capacité de production industrielle et des technologies qui ne sont pas encore optimisées, et dont les coûts demeurent élevés ».

L’économiste de Desjardins cite en exemple la forte hausse de prix de minerais comme le lithium, essentiel à la production de batteries électriques, dont le prix a bondi de 600 % depuis trois ans.

« La demande de plusieurs métaux nécessaires à la transition énergétique est appelée à fortement s’accroître alors que l’offre reste limitée », note Marc-Antoine Dumont.

« Afin de combler cet appétit grandissant pour les métaux, de nouvelles mines seront nécessaires. Or, les producteurs miniers doivent aussi faire face à une qualité décroissante des minerais [de mines existantes], ce qui fait pression à la hausse sur les coûts de production puisque plus d’énergie est requise » pour extraire ces minerais.

Comment atténuer le phénomène ?

De l’avis de l’économiste Marc-Antoine Dumont, « considérant la complexité et la taille des défis reliés à la transition énergétique, il y aura fort probablement des ajustements de prix dans quelques industries ».

Entre autres, « pour la première fois, les coûts de la pollution seront intégrés aux coûts de production ». (Par exemple en intégrant au prix les coûts liés aux crédits carbone, les frais de récupération/recyclage obligatoire, etc.)

Cela dit, selon M. Dumont, le risque de greenflation demeure « évitable » parce qu’il est « davantage associé à un virage vert mal coordonné » parmi les autorités concernées.

Par exemple, « une transition [énergétique] tardive est plus à risque de provoquer de la greenflation, car les mesures employées introduiront davantage de distorsions dans le marché ».

Aussi, anticipe l’économiste Marc-Antoine Dumont, « plus la transition [énergétique] est retardée, plus les conséquences des évènements météorologiques extrêmes deviennent importantes ».

Par conséquent, conclut-il, « poursuivre les efforts de décarbonisation tout en maintenant un bon calibrage des politiques publiques et monétaires est essentiel afin d’atténuer les risques associés au réchauffement climatique et à la greenflation ».