(Toronto) La décision de Rogers Communications de vendre le fournisseur de services sans fil Freedom Mobile à Vidéotron, propriété de Québecor, ne fera que créer un concurrent « plus faible » sur le marché, selon un observateur des télécommunications.

Dwayne Winseck, professeur à l’Université Carleton, estime qu’il ne sera pas facile pour Vidéotron, établie au Québec, de se développer à l’échelle nationale, ce qui fera d’elle une moins grande menace pour Rogers.

M. Winseck note que Vidéotron a des ambitions nationales depuis un certain temps, mais juge que sa reconnaissance de marque est trop faible et qu’elle n’a pas été en mesure de conclure des ententes solides avec d’autres fournisseurs nationaux malgré ses poches assez profondes.

Au cours du week-end, Rogers a annoncé qu’elle vendrait Freedom à Québecor pour 2,85 milliards, alors qu’elle cherche à obtenir le feu vert des autorités réglementaires pour sa prise de contrôle de Shaw Communications pour 26 milliards. Elle a notamment fait valoir que cette décision donnerait aux Canadiens « la concurrence et le choix ».

L’accord verra Québecor acheter tous les clients sans fil et internet de Freedom, ainsi que son infrastructure, son spectre et ses points de vente.

M. Winseck, qui se spécialise dans les médias et les communications, a souligné la forte présence de Shaw dans l’Ouest canadien et le fait que son service sans fil, Shaw Mobile, ne serait pas cédé dans le cadre de la fusion comme d’autres raisons qui pourraient compliquer la tâche pour Vidéotron dans sa tentative d’incursion dans le reste du Canada.

Le Bureau de la concurrence cherche à bloquer la fusion, craignant qu’elle ne réduise considérablement la concurrence dans le secteur du sans-fil, et la plupart des observateurs s’attendaient à ce que la vente de Freedom soit une condition d’approbation réglementaire.

Des avantages contestés

Dans de nouvelles observations présentées au Tribunal de la concurrence vendredi, l’agence de réglementation a élargi son opposition au projet de rachat, contestant les affirmations du géant des télécommunications au sujet des gains d’efficacité et des avantages économiques, tout en affirmant que les consommateurs seraient confrontés à des hausses de prix.

Pour leur part, Rogers, Shaw et Québecor affirment que leur entente réglerait efficacement les problèmes de concurrence et maintiendrait en vie un quatrième fournisseur de services sans fil « solide et durable » au Canada.

« Je ne pense pas que cela ira assez loin pour le Bureau de la concurrence », a estimé M. Winseck.

Cependant, certains analystes croient que la vente fera avancer l’affaire et apaisera les préoccupations du bureau en matière de concurrence.

« Nous pensons que cet accord augmente la perspective de clôture de la transaction à plus de 95 % », a écrit Aravinda Galappatthige, analyste de Canaccord Genuity, dans une note à ses clients.

« Nous croyons que les solides antécédents opérationnels, le bilan, l’expertise et la composition de l’actif de (Québecor) rendront plus difficile pour l’organisme de réglementation d’affirmer que le paysage concurrentiel canadien du sans-fil sera sensiblement touché par la fusion (entre Rogers et Shaw) », a estimé l’analyste Jérôme Dubreuil, de Desjardins, dans une note.

Québecor n’était pas le seul concurrent dans la course pour l’acquisition de Freedom Mobile.

Anthony Lacavera, de Globalive Capital, s’était largement exprimé sur l’intérêt de son entreprise pour éventuellement acquérir Freedom, anciennement nommée Wind Mobile, qu’il avait fondée en 2008. La société de télécommunications Eastlink, d’Halifax, et la néo-brunswickoise Xplornet Communications, s’étaient a également montrées intéressées par Freedom.

M. Winseck ne croit pas qu’il existe un autre acheteur capable de créer un quatrième concurrent suffisamment puissant.

« Pour moi, la seule alternative viable serait qu’une entreprise qui n’est pas déjà un des grands acteurs existants se manifeste pour prendre le contrôle de Shaw dans sa totalité », a-t-il affirmé.

Jusqu’à présent, la transaction Rogers-Shaw a reçu l’approbation du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Elle doit encore être approuvée par le Bureau de la concurrence et Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Les audiences du Tribunal de la concurrence sur cette question devraient commencer la semaine du 7 novembre.