(Londres) La Banque d’Angleterre (BoE) a annoncé jeudi une cinquième hausse consécutive de son taux directeur, pour lutter contre l’inflation qui devrait, selon elle, dépasser 11 % cet automne, mais la prudence de son message inquiétait les marchés et certains économistes.

La BoE n’a pas décidé d’augmenter ses taux de plus de 0,25 point, contrairement à la Réserve fédérale américaine, mais elle « sera particulièrement attentive aux indications de pressions inflationnistes persistantes, et répondra si nécessaire avec force », promet-elle dans les minutes de sa réunion.

Les prévisions pour la croissance et l’inflation n’ont pas été revues en détail lors de cette réunion, mais alors que l’inflation a grimpé en avril à 9 %, un record depuis 40 ans, la BoE table désormais sur un pic à « plus de 11 % » sur un an en octobre, quand le plafond régulé des prix de l’électricité sera revu à la hausse.

Comme les États-Unis ou la zone euro, les prix montent au Royaume-Uni en raison des perturbations des chaînes de production causées par la pandémie de COVID-19 et la flambée des cours de l’énergie depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine.

Mais le pays, qui a débuté la hausse de ses taux fin 2021, fait également face à un ralentissement de sa croissance, avec une deuxième contraction mensuelle consécutive de l’activité économique en avril.

La BoE prévoit désormais une baisse de 0,3 % du PIB au deuxième trimestre, là où elle prévoyait encore une augmentation de 0,1 % en mai, recul qui vient s’ajouter à une contraction déjà prévue sur les trois derniers mois de l’année.

La croissance atone empêche donc la BoE de se montrer plus déterminée face à l’envolée des prix, contrairement à la Réserve fédérale américaine (Fed) qui avait relevé mercredi son taux directeur de trois quarts de point, une première depuis 1994.

La Banque centrale européenne (BCE) avait tenu le même jour une réunion exceptionnelle pour tenter de rassurer sur le marché de la dette européenne tout en maintenant sa hausse des taux prévue en juillet.

Décision controversée

L’inflation sous-jacente, qui exclut les prix de l’énergie et de l’alimentation, « est plus élevée au Royaume-Uni qu’en zone euro ou aux États-Unis », reconnaît la BoE.

« Les difficultés à recruter restent élevées et la demande de travailleurs aussi », ajoute-t-elle, décrivant le marché du travail comme « toujours tendu », même si le taux de chômage est légèrement remonté au Royaume-Uni sur les trois mois achevés fin avril, à 3,8 %.

Le Royaume-Uni digère notamment les conséquences du Brexit, qui a perturbé la venue de travailleurs européens, tandis que la reprise post-pandémie entraîne une forte demande et une guerre des salaires.

Trois des neuf membres du Comité de politique monétaire (MPC) ont cependant voté pour une hausse des taux de 0,5 point, comme en mai, pour éviter que « la tendance récente de hausse des salaires, de décisions de montée des prix par les entreprises et d’attentes d’inflation » s’installe de manière durable.

Ces membres jugent peut-être « préférable d’avoir une correction marquée mais courte de l’économie à court terme pour éliminer l’inflation excessive que de se rendre compte plus tard qu’il faut corriger lentement et dans la douleur », interprète Kallum Pickering, analyste chez Berenberg.

« Nous pensons que la BoE donne trop d’importance au ralentissement de l’économie et pas assez à l’inflation », s’inquiète Paul Dales, analyste chez Capital Economics, qui souligne que la Banque « ne promet rien », contrairement à la Fed, qui est plus précise sur son plan de remontée des taux.

Certains analystes se félicitent au contraire du ton mesuré de la BoE. « La décision du MPC prouve que, alors que les autres banques centrales perdent la tête, le Comité maintient une approche graduelle », approuve Samuel Tombs, analyste chez Pantheon Macro.

Signe de l’ambivalence des observateurs, la Bourse de Londres plongeait jeudi, et la livre britannique tanguait avec une perte temporaire de plus de 1 % face au dollar avant de remonter, le billet vert souffrant d’indicateurs économiques américains décevants. Baromètre des anticipations moroses des analystes et cambistes pour l’économie britannique, elle a fondu de 9 % depuis le début de l’année.